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Mayotte : Clandestins naufragés et responsabilités de la France
Lundi 13 août, une barque transportant quarante clandestins en provenance de l'île d'Anjouan a fait naufrage à proximité de l'île de Mayotte, entraînant la mort de dix-sept personnes, dont huit enfants, et la disparition de dix-neuf autres.
Ce drame fait suite à beaucoup d'autres. Rien qu'au mois de juillet, cinq barques ont connu le même sort, faisant au total près de cent morts et disparus. Depuis qu'en 1994 le gouvernement de Balladur a décidé d'instaurer un visa pour les habitants des trois îles indépendantes (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli) voulant se rendre dans l'île de Mayotte restée sous administration française, plusieurs milliers de Comoriens ont trouvé la mort dans les mers entourant les quatre îles de l'archipel.
Le ministre de l'Immigration Brice Hortefeux en a profité pour redire « la détermination totale du gouvernement à poursuivre sans répit la lutte contre ces filières criminelles », dénonçant « les trafiquants qui exploitent la misère de ces migrants ». Les chiffres du gouvernement font état de 16 000 Comoriens expulsés du territoire de Mayotte en 2006.
Ayant exercé sa tutelle coloniale sur l'ensemble de l'archipel durant des décennies, la France a de lourdes responsabilités dans la situation actuelle. Avec son statut de Collectivité d'outre-mer, Mayotte bénéficie des transferts de l'État français. Le niveau de vie y est bien plus élevé que dans les autres îles. Le salaire moyen est de 800 euros à Mayotte contre 30 euros dans le reste des Comores et l'île bénéficie de structures de santé qui n'existent pas ou presque pas chez ses voisines. C'est donc pour des raisons de survie que Mayotte attire les Comoriens qui sont prêts à s'entasser sur des embarcations de fortune pour tenter la traversée. Et cela sans compter que les déplacements d'une île à l'autre sont ancestraux et que quasiment toutes les familles comoriennes ont des membres établis à Mayotte. La séparation administrative des îles puis l'instauration du visa n'ont fait qu'ajouter des obstacles aux déplacements.
En promettant à la police de Mayotte plus de moyens pour détecter les mouvements de bateaux clandestins, le gouvernement français pense pouvoir empêcher ceux qui veulent se rendre à Mayotte pour des raisons économiques ou familiales de continuer à le faire. Il ne fera que leur rendre les conditions d'accès encore plus difficiles, au risque d'aggraver le nombre de morts.