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- Lutte ouvrière n°2038
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Côte-d'Ivoire : La fin de la guerre mais pas la fin des violences contre les classes populaires
En Côte-d'Ivoire, après cinq années de guerre et de partition, un processus de paix et de réunification du pays a été engagé avec la signature des accords dits de Ouagadougou le 4 mars dernier.
Le mensuel trotskyste Le Pouvoir aux travailleurs, édité par l'Union africaine des travailleurs communistes internationalistes, est revenu dans son numéro du 23 juillet sur ce que les classes populaires peuvent attendre de ce processus. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de son éditorial.
Bien que la fin de la guerre soit le souhait de l'écrasante majorité de la population, bien que la tentative actuelle apparaisse plus sérieuse que les précédentes, rien ne permet d'affirmer que le processus engagé entre Soro et Gbagbo conduira à la paix.
Et à quelle paix ? Le mot même de paix ne signifie pas la même chose aux yeux des classes populaires sur qui pèse le poids de la guerre et pour ceux qui ont négocié à Ouagadougou. Pour les premiers, la paix, c'est la fin des tueries, des destructions, la fin de la crainte des militaires des deux bords et des milices. C'est aussi, avec l'espoir du retour à une vie économique normale, l'espoir de trouver du travail et d'en vivre. Pour les dirigeants politiques, les tractations de Ouagadougou étaient la continuation de la guerre par d'autres moyens, un bras de fer où chacun des deux camps cherchait à améliorer le rapport de forces en sa propre faveur. Ces tractations ont cependant abouti et nous voilà avec Gbagbo toujours à la présidence et Soro au poste de Premier ministre.
(...) Est-ce que la fin officielle de la violence entre les deux parties séparées de l'armée mettra fin à la violence envers la population ? Qui peut avoir la naïveté de l'espérer ? Au temps des FANCI unifiées [forces armées nationales], les corps habillés [militaires] se comportaient vis-à-vis de la population pauvre de la même manière infâme qu'aujourd'hui.
Est-ce qu'on peut au moins espérer que la liquidation de la sécession réunifiera réellement le pays et que tout un chacun pourra se rendre d'un bout à l'autre du pays sans avoir à s'inquiéter pour sa personne ou pour les quelques biens qu'il transporte avec lui ? Même pas !
Au lendemain de la signature de l'accord, on a montré à la télévision la destruction d'un « check point » sur la ligne de la « zone de confiance » [zone tampon définie par l'ONU, entre le nord aux mains des rebelles de Soro, et le sud aux mains de Gbagbo], histoire de montrer symboliquement que désormais le pays est réunifié. Mais il n'y a pas que la zone de confiance pour couper le pays ! Combien d'autres barrages morcellent le pays du nord au sud ? Oh, bien sûr, ce ne sont pas des frontières qui figurent sur les cartes, et leur emplacement varie d'un jour à l'autre au gré de la fantaisie des militaires. Mais pour les pauvres qui se déplacent, ce sont quand même des barrières et même si, depuis quelques semaines, ils ne sont plus obligés de descendre du car, ils sont soumis aux tracasseries et à l'arbitraire des corps habillés et risquent de voir leur carte d'identité déchirée ou leur marchandise confisquée, pour peu que leur tête ou leur façon de s'habiller ne plaise pas à un abruti en uniforme.
(...) La fin de l'état de guerre non seulement n'est pas la fin de la pauvreté pour la majorité qui vit de son travail mais malheureusement, elle n'apportera pas de changement, si ce n'est en pire. L'accord de paix et sa fragilité seront même le nouveau prétexte pour demander de nouveaux sacrifices aux classes populaires.
On dira aux travailleurs que ce n'est pas le moment de revendiquer car il faut relever le pays. (...) Les classes populaires payeront encore d'une autre manière la réunification du pays. Celle-ci ne pourra avoir lieu, chacun le sait, que si ceux qui ont profité de la division du pays sont dédommagés, que si les militaires du nord par exemple, qui sont montés en grade, conservent leurs positions et les revenus qui vont avec. Elle ne pourra avoir lieu que si ceux qui ont fait des affaires dans la contrebande et les trafics divers trouvent d'autres secteurs où assouvir leur avidité. Cela signifie une part plus grande pour eux des recettes du pétrole ou des filières du café ou du cacao. Cela signifie plus d'argent détourné des caisses de l'État au profit des privilégiés, en nombre plus grand. Il restera dans les caisses de l'État d'autant moins pour améliorer les infrastructures dans les quartiers populaires, d'autant moins pour le système de soins ou pour l'éducation des enfants des classes populaires. (...)