L'anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv et les défaillances de la mémoire officielle.25/07/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/07/une2034.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv et les défaillances de la mémoire officielle.

Sarkozy le 20 juillet et Fillon le 22 ont présidé aux manifestations commémoratives de la rafle du Vel d'Hiv qui avait vu en juillet 1942 la police française arrêter à Paris des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, parce qu'ils étaient Juifs.

Parqués pour la majorité d'entre eux dans des conditions inhumaines au Vélodrome d'hiver de Paris, envoyés sous la garde de gendarmes français dans les camps de Drancy, de Pithiviers ou de Beaune-la-Rolande, l'immense majorité d'entre eux furent ensuite expédiés par les nazis vers les chambres à gaz des camps d'extermination.

Mais si Sarkozy et Fillon ont rappelé ces faits, ils ont été bien plus discrets sur les responsables français de ce crime, et surtout ce qu'ils étaient devenus après la guerre.

En 1945, celui qui avait été le chef de l'État français depuis 1940, Pétain, et le chef du gouvernement, Laval, furent certes jugés pour " haute trahison ". Laval fut condamné à mort et fusillé. Pétain fut lui aussi condamné, mais aussitôt gracié. C'est qu'il fallait bien sacrifier quelques responsables face à l'opinion publique. Mais la plupart des hauts fonctionnaires qui avaient organisé les rafles des Juifs, la chasse aux jeunes qui refusaient de partir travailler en Allemagne et la chasse aux résistants continuèrent leur carrière au service de la nouvelle République.

Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de Bordeaux, avait organisé la déportation de centaines de Juifs de la région. Cela ne l'empêcha pas de devenir préfet de police de Paris, responsable du massacre par la police parisienne de plusieurs dizaines de manifestants algériens pacifiques en octobre 1961, et de la répression de la manifestation anti-OAS de février 1962 qui fit neuf morts. Cela ne l'empêcha pas non plus de devenir ministre de Giscard d'Estaing de 1978 à 1981.

René Bousquet, chef de la police de Vichy en 1942, et principal organisateur de la rafle du Vel d'hiv, fut condamné à cinq ans... d'indignité nationale, mais aussitôt relevé de cette " sanction " pour " faits de résistance ". Et cela n'entrava nullement la carrière qu'il fit dans le secteur privé.

Pendant des années, le silence se fit sur le passé de ces hommes-là. De Gaulle, qui utilisa les services de Papon, n'ignorait évidemment rien de son passé. Cela parce que de Gaulle avait eu besoin en 1944 de Papon et de ses semblables pour remettre en route un appareil d'État capable de contenir d'éventuels mouvements populaires. Et il les utilisa avec l'accord de tous les partis qui participaient à son gouvernement, y compris le PS et le PCF.

Mitterrand, qui entretint jusqu'à la mort de Bousquet des relations amicales avec ce dernier, ignorait d'autant moins le passé de celui-ci que lui-même avait commencé sa carrière politique à Vichy, dans l'ombre de Pétain.

Il fallut attendre 1995, cinquante-trois ans après les événements, pour que Chirac, alors président de la République, reconnaisse la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs de France. Mais c'est que la plupart des responsables étaient morts, et que l'assassinat de Bousquet en 1993, la préparation du procès intenté à Papon par les familles des Juifs qu'il avait fait déporter, rendaient difficile de conserver le silence sur les responsabilités de l'État français dans la déportation de dizaines de milliers de Juifs.

Les Bousquet et les Papon n'avaient pas seulement agi par antisémitisme. Mais pour maintenir après 1940 un appareil d'État français capable de négocier avec l'Allemagne pour protéger les intérêts de la grande bourgeoisie, ils s'étaient faits les exécuteurs de la politique des nazis.

Évidemment, ni Sarkozy ni Fillon, les actuels défenseurs de la même bourgeoisie ou de ses descendants, n'ont évoqué cela. Mais les travailleurs doivent se souvenir que l'État, quelle que soit sa couleur, est capable du pire pour défendre les intérêts des classes possédantes.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 juillet.

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