Le PDG de la société Cardinal à Rennes vient d'être condamné à trois ans de prison ferme, dont la moitié avec sursis, à 45 000 euros d'amende et à trois ans d'exclusion des marchés publics. Le procès concernait une des plus grandes entreprises du bâtiment de la région rennaise, qui réalise 60 % de son chiffre d'affaires sur les marchés publics. Il a fourni une illustration des méthodes du patronat de la construction.

La justice reprochait à cette société l'utilisation à grande échelle de travailleurs clandestins d'origine turque. Selon l'enquête, plus de 79 ouvriers non déclarés, dont 25 en situation irrégulière, ont travaillé sur 32 chantiers de la région. Tout un réseau d'entreprises sous-traitantes fournissait une main-d'oeuvre plus ou moins clandestine, à des tarifs deux fois moins chers que la normale. Ainsi elle leur payait 14,50 euros le mètre carré de parpaings contre les 28 à 35 euros le mètre carré demandés normalement. Les ouvriers pouvaient travailler 12 à 13 heures par jour. C'est la société Cardinal elle-même qui fixait les prix aux artisans d'origine turque, qui s'occupaient ensuite eux-mêmes de l'embauche.

Pour sa défense, la société Cardinal a affirmé que ses cadres ne pouvaient pas être au courant de tout. Des chefs d'équipes prétendaient être incapables de savoir qui travaillait sur leurs chantiers. Interrogé sur la présence de travailleurs clandestins, l'un d'eux a déclaré : " Quand je demandais des noms aux artisans turcs, ils me donnaient ceux qui figuraient déjà sur les listings. Je ne pouvais pas me souvenir de tous les visages... "

Tout cela heureusement n'a pas convaincu le juge ! Ce patron du bâtiment qui joue les innocents avait tout simplement, pour augmenter ses bénéfices, mis au point un véritable réseau d'exploitation de main-d'oeuvre sous-payée. Mais pour un qui a été pris la main dans le sac, combien d'autres ont recours tous les jours à ces pratiques ?