L'approvisionnement en électricité livré à la concurrence : Le racket légalisé.05/07/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/07/une2031.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

L'approvisionnement en électricité livré à la concurrence : Le racket légalisé.

Depuis le premier juillet, le marché de l'énergie est complètement ouvert à la concurrence. Après les entreprises, les particuliers peuvent désormais choisir un autre fournisseur d'électricité qu'EDF et un autre fournisseur de gaz que GDF. Les ministres et nombre d'économistes et de journalistes nous expliquent que la concurrence, c'est l'avenir et qu'elle fera baisser les prix. C'est un mensonge grossier.

Il n'y a pas si longtemps, EDF-GDF était une entreprise nationalisée qui avait le monopole de la fourniture de l'énergie. Elle avait été créée au lendemain de la guerre en tant que monopole d'État pour fournir à l'ensemble des entreprises l'énergie nécessaire, qu'aucun fournisseur privé n'était capable de fournir en assurant les investissements nécessaires. Elle fonctionnait dans l'intérêt général de la bourgeoisie, mais avec des retombées favorables pour la population. C'est avec l'argent de l'État qu'EDF-GDF put investir largement, construire des barrages, des centrales thermiques et, de plus en plus, nucléaires, et poser des câbles pour le transport.

Et voilà que, maintenant que les gros investissements ont été faits, les gouvernements successifs de droite comme de gauche, après avoir coupé en deux l'entreprise entre EDF et GDF, ont mis fin à leur monopole en laissant les capitaux privés venir faire du profit en parasitant les installations de production, les réseaux de distribution, de feu l'entreprise nationalisée.

Toute la société pâtira d'avoir livré au privé la fourniture d'énergie.

Prétendre que la concurrence fera baisser les prix, c'est prendre la population pour des imbéciles. Dans tous les pays d'Europe occidentale où on a privatisé le marché de l'énergie, cela s'est traduit par une envolée des prix pour les consommateurs, allant jusqu'à une hausse de 81 % au Royaume-Uni et de 92 % au Danemark ! Et ici même, en France, les entreprises qui ont choisi d'autres fournisseurs qu'EDF avec ses prix réglementés ont vu leurs factures augmenter jusqu'à 76 %.

Certains des groupes qui vont concurrencer EDF, comme le groupe Suez, vendront de l'électricité qu'ils produisent eux-mêmes à partir de centrales qu'ils détiennent à l'étranger. Mais la plupart des opérateurs sont de simples courtiers qui ne produisent rien, n'ont même pas à assurer le maintien de l'infrastructure des réseaux et achètent simplement à EDF son électricité pour la revendre avec profit à la clientèle. Et pour que les profits soient conséquents, le Conseil de la concurrence exige d'EDF qu'elle vende son électricité moins cher à ces courtiers qui, eux, n'ont aucune obligation de tenir leurs prix.

Et les consommateurs dans tout cela ? Pour le moment, ils ont le choix de rester abonnés à EDF, ce qu'ils ont intérêt à faire. Ceux, cependant, qui auraient fait le mauvais choix d'écouter les sirènes des courtiers privés n'auront plus le droit de revenir à EDF. La concurrence ne joue que dans un sens ! Et à partir de 2010, les consommateurs n'auront même plus le choix, tout sera facturé au prix du marché.

C'est un racket organisé, légal, avec la complicité de tous les gouvernements. Mais il y a pire. Les courtiers privés ont choisi la fourniture d'électricité précisément parce qu'il n'y avait pas d'investissements à faire. Ils investiront a minima dans l'avenir. L'ensemble du réseau électrique se dégradera inévitablement. De plus, là où la maîtrise était assurée par un seul opérateur, EDF, une demi-douzaine d'opérateurs interviendront désormais, chacun avec ses intérêts particuliers. Comme l'électricité ne se stocke pas, la concurrence est de chaque instant, avec les risques de dysfonctionnement qui en découlent. Il y a quelques années, le plus grand État de la plus grande puissance industrielle du monde, la Californie, a été victime d'une panne d'électricité géante.

L'évolution de ce qui était EDF-GDF est à l'image de l'ensemble de l'économie. À force de parasiter l'économie, les groupes capitalistes la poussent vers la régression et la décomposition.

Arlette LAGUILLER.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 2 juillet.

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