Dix ans de Blair dans la continuité de Thatcher.05/07/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/07/une2031.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Dix ans de Blair dans la continuité de Thatcher.

Le départ de Tony Blair a été l'occasion de bilans élogieux dans les médias. L'ex-Premier ministre travailliste aurait notamment ramené le chômage à 5 %, développé la protection sociale et favorisé les services publics. La réalité est pourtant bien différente. Les dix années où Blair a dirigé la politique britannique ont prolongé les attaques dont les classes laborieuses avaient déjà été victimes pendant les dix-huit ans de gouvernement de la droite conservatrice, de Margaret Thatcher à John Major. Gordon Brown, qui succède à Blair, cherche à se présenter comme un homme nouveau, mais il a été étroitement associé à cette politique, aux commandes pendant des années du ministère de l'Économie et des Finances.

Des riches toujours plus riches.

Pour les grands groupes industriels et financiers, le bilan travailliste est très bon. Les cent plus grosses entreprises britanniques, celles du FTSE 100, qui est l'équivalent outre-Manche du CAC 40, ont engrangé 210 milliards d'euros de bénéfices en 2006, une progression de 28 % par rapport à 2005. Sur les cinq dernières années, les bénéfices ont été multipliés par sept !

Outre les grands groupes pétroliers et miniers, les banques tirent la part du lion. Six banques, HSBC, Royal Bank of Scotland, Barclays, Lloyds-TSB, Halifax-Bank of Scotland et Standard Chatered, affichent ensemble un bénéfice avant impôt de 58 milliards d'euros, en augmentation de 11 à 35 % selon les enseignes.

Le système fiscal contribue à faire que les riches le soient de plus en plus. À côté de 24 000 contribuables qui gagnent 750 millions d'euros et plus par an, il existe 54 milliardaires dont la fortune est évaluée en moyenne à 200 milliards d'euros. Ces 54 ultra-riches n'ont payé en tout et pour tout que 100 millions d'impôts l'an dernier.

Cet enrichissement des classes riches à son revers avec l'appauvrissement croissant des classes populaires. La " baisse du chômage " tant vantée a combiné un tour de passe-passe dans les statistiques, dont une partie des chômeurs ont été sortis pour être versés dans la catégorie des " handicapés ", et des mesures coercitives : les ANPE britanniques ont mis la pression sur les chômeurs pour les forcer d'accepter n'importe quel petit boulot sous peine de perdre leurs allocations.

Tout cela a entraîné une montée des inégalités sociales. Actuellement, 11,4 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 20 % de la population.

Au royaume des bas salaires.

Les travaillistes ont créé un salaire minimum qui n'existait pas auparavant. Mais celui-ci n'assure qu'un revenu équivalent à 87 % du seuil de pauvreté pour 40 heures effectives de travail par semaine. Pire, un système d'abattement fait qu'un jeune de moins de 18 ans ne touchera que 48 % de ce revenu, et 63 % entre 18 et 21 ans ! Selon les syndicats, pour que ce salaire minimum atteigne un niveau décent, il faudrait l'augmenter d'au moins 60 % !

De toute façon, des centaines de milliers d'emplois précaires sont même payés en dessous du salaire minimum. Les travailleurs à temps partiel représentent le quart des emplois. Par ailleurs, le gouvernement Blair a mis en place des exonérations de charges sociales qui, tout en faisant des cadeaux au patronat, ont tiré les salaires vers le bas. Les emplois à temps plein étant très rares, les salariés cherchent à cumuler des emplois sous-payés. C'est ainsi que le " marché flexible du travail ", dont se vante Gordon Brown, a fait de la Grande-Bretagne la capitale européenne des bas salaires.

Cette dégradation des revenus de la plupart des couches populaires a eu des conséquences sociales profondes.

D'abord il a conduit à un endettement croissant des ménages, et en premier lieu des familles populaires. La Grande-Bretagne concentre, à elle seule, le tiers de toutes les dettes personnelles non immobilières contractées en Europe. En décembre dernier, cet endettement frisait les 2 000 milliards d'euros, 3 500 milliards avec les dettes immobilières. La dette moyenne atteint près de 80 000 euros par famille !

La politique de Blair a fait renaître le monde des romans de Dickens. Selon l'Unicef, les problèmes de santé, les troubles de l'apprentissage ou de comportement, les mauvais résultats scolaires, les grossesses précoces des adolescentes, font qu'à l'âge adulte les jeunes des quartiers pauvres ont plus de mal à s'insérer dans un marché du travail déjà très défavorable. L'Unicef indiquait que la Grande-Bretagne, qui se situe au cinquième rang en terme de produit intérieur brut parmi les 21 pays industrialisés de l'OCDE, était au dernier rang pour le sort qu'elle fait aux enfants, nettement derrière l'Irlande, son ex-colonie pendant cent cinquante ans.

Et la réponse travailliste n'a pas été de mettre l'accent sur l'éducation et la santé mais, comme dans le domaine de l'insécurité, de criminaliser encore plus ces enfants. En Ecosse, un enfant est pénalement responsable des ses actes à 8 ans, et il l'est à 10 ans dans le reste de la Grande-Bretagne. Le gouvernement Blair a même interdit aux avocats d'invoquer comme circonstance atténuante l'immaturité d'un inculpé de moins de 14 ans. En 2006, 190 000 enfants sont passés devant des tribunaux, 7 600 ont été condamnés à des peines de prison. En février 2007, le nombre des enfants emprisonnés était de 3 350.

La grande et la moyenne bourgeoisie peuvent être satisfaits de la politique de Blair, une politique qu'entend poursuivre son successeur Gordon Brown. Mais le bilan pour le reste de la société, c'est une faible protection sociale, des prisons pleines, une forte mortalité infantile, et plus de pauvres que n'importe où ailleurs en Europe.

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