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- Lutte ouvrière n°2030
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Allemagne - Le congrès de fondation de " La Gauche " : Un parti social-démocrate bis ?
Le 16 juin a eu lieu à Berlin le congrès d'unification du PDS-Parti de Gauche et de la WASG, qui a donné naissance à un nouveau parti. Dénommé Die Linke (La Gauche), il s'agit de l'aboutissement d'un processus de fusion entamé il y a deux ans, après les élections législatives de septembre 2005, qui avaient vu l'alliance électorale des deux formations obtenir 8,7 % des suffrages.
La principale composante de La Gauche provient du Parti du socialisme démocratique (PDS), lui-même issu de l'ancien parti stalinien au pouvoir en Allemagne de l'Est de 1945 à 1989, tandis qu'une autre partie est représentée par l'Alternative électorale - Travail et justice sociale (WASG) formée en 2004 par des syndicalistes et des sociaux-démocrates déçus, qui ont trouvé en la personne d'Oskar Lafontaine, ex-ministre-président de la Sarre de 1985 à 1998, ex-président du SPD entre 1995 et 1999, ex-ministre des Finances au début de l'ère Schröder, un porte-parole disposant d'une certaine notoriété.
Cette union est d'abord cimentée par une perspective électorale. Le discrédit du Parti Social-Démocrate (SPD) au pouvoir depuis 1998, avec les Verts d'abord puis dans le cadre d'une " grande coalition " avec la droite depuis 2005, a en effet dégagé une place sur sa gauche, que le nouveau parti espère occuper. Il vient par exemple d'obtenir en mai, lors des élections régionales de Brême, un score de 8,4 %. C'est la première fois depuis l'interdiction du Parti Communiste en 1956 qu'une formation classée à gauche du SPD est ainsi représentée dans un parlement régional de l'Ouest du pays.
Par ses prises de position, le nouveau parti apparaît plus à gauche que le SPD et suscite certains espoirs dans une fraction de l'opinion populaire. On a ainsi pu entendre, lors du congrès de fondation, des discours radicaux contre les privatisations et les coupes claires dans les services publics et on y a chanté l'Internationale. Mais on peut douter de la sincérité des propos d'un certain nombre de responsables.
Ainsi au Sénat de Berlin, ville que le PDS cogère avec le SPD depuis 1999, il a avalisé nombre de mesures antisociales (hausse du prix de l'eau dans la capitale, privatisation de nombreux logements communaux sociaux, réduction drastique des emplois dans les services publics...). Et il vient d'accepter la reconstruction, en plein centre-ville, du château des Hohenzollern, qui va coûter 32 millions d'euros aux contribuables berlinois... alors que les mesures d'austérité sont justifiées par l'énorme endettement de la ville. Et ses élus dans bien d'autres villes de l'Est, à Cottbus, à Suhl, à Dresde, etc., ont également avalisé ce type de mesures. Par ailleurs, dans ses discours Oskar Lafontaine est allé jusqu'à parler de grève générale... mais il s'est aussi déclaré prêt à une participation gouvernementale au niveau fédéral.
Le nouveau parti permettra donc sans doute à une fraction de l'électorat populaire d'exprimer dans les urnes son mécontentement contre le gouvernement en place. Mais cela offrira-t-il vraiment une perspective de lutte aux travailleurs ? Depuis des années, les attaques contre le monde du travail se multiplient. Une réaction sur un terrain de classe serait nécessaire, contre les licenciements, contre les baisses de salaires, contre le sort scandaleux réservé aux chômeurs, contre les attaques du gouvernement, etc. Les travailleurs et les militants syndicaux combatifs auraient besoin d'un parti qui les aide à retrouver le chemin de la lutte de classe, à préparer les luttes nécessaires, à les organiser et les coordonner, et à éduquer la classe ouvrière dans cette perspective. Malheureusement ils ne pourront guère compter pour cela sur les dirigeants du nouveau parti.
Ce n'est pas la première fois dans l'histoire qu'un parti social-démocrate, compromis au pouvoir et menant une politique trop ouvertement en faveur des possédants, suscite une opposition qui finit par engendrer une nouvelle formation. Mais le plus souvent ces sociaux-démocrates de gauche, critiques en paroles, se contentent d'accompagner le mécontentement d'une partie des électeurs populaires pour le canaliser dans l'arène parlementaire. Visiblement c'est un rôle similaire qu'aspirent à jouer les dirigeants de La Gauche.