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Palestine : Après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas
Après que le Hamas a militairement défait les forces fidèles au président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, celui-ci a décrété l'état d'urgence et prononcé la dissolution du gouvernement d'union nationale dont le Premier ministre était Ismail Haniyeh, un des principaux dirigeants du Hamas justement. Ce gouvernement qui avait vu le jour après les accords de La Mecque n'aura duré que trois mois, période durant laquelle de multiples affrontements entre le Hamas et le Fatah ont eu lieu. Deux forces nationalistes hostiles dirigent donc dorénavant les deux territoires palestiniens séparés : le Hamas à Gaza, le Fatah en Cisjordanie.
Le gouvernement israélien ainsi que les gouvernements occidentaux se désolent de cette prise de pouvoir par le Hamas, considéré par eux comme étant un mouvement terroriste. Mais si les élections législatives palestiniennes de janvier 2006 ont donné la victoire au Hamas, si les rapports de forces militaires ont permis aux miliciens du Hamas de mettre en déroute ceux du Fatah à Gaza, la responsabilité en revient d'abord à la politique mise en oeuvre par les gouvernants israéliens, couverte, acceptée, aidée par les puissances occidentales.
Pendant plusieurs décennies, ce fut le Fatah de Yasser Arafat qui symbolisa et dirigea le mouvement national palestinien, jusqu'au jour où furent signés les accords d'Oslo censés permettre l'édification, si ce n'est d'un État national palestinien, du moins de la première ossature d'un appareil d'État étendant son autorité sur des bouts épars de territoires. La prétendue mansuétude israélienne devait en retour être payée par l'exigence que l'Autorité palestinienne parvienne à contrôler, voire à brider la colère des Palestiniens. S'en suivirent de longues négociations considérées comme s'insérant dans un prétendu « processus de paix » qui jamais n'aboutit. Durant toutes ces périodes, et encore aujourd'hui, la colonisation israélienne ne fit que se poursuivre dans les territoires, contraignant leurs habitants à supporter des conditions de vie toujours plus difficiles, faites de chômage, de misère et d'humiliations quotidiennes.
L'évacuation de Gaza en août 2005, présentée comme un geste enfin positif d'Israël, n'a été en fait qu'une concession, contrainte certes mais aussi calculée, permettant un renforcement de la colonisation en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et la poursuite de la construction du mur de séparation, symbole de l'enfermement de toute une population dans des territoires de plus en plus dépecés.
Ces impasses ne pouvaient que déconsidérer les dirigeants du Fatah, prêts à de nombreuses concessions, alors même que les gouvernants israéliens se faisaient fort de ne rien céder, affirmant avec le culot qui les caractérise que du côté palestinien il n'y avait « personne avec qui négocier ». C'est dans ces conditions que le Hamas, moins compromis, sortit vainqueur des élections de janvier 2006.
La crainte de voir une organisation prétendument terroriste devenir majoritaire en Palestine ne poussa ni Israël ni ses alliés occidentaux à infléchir leur politique. Au contraire même, ils décidèrent de punir la population palestinienne en supprimant toutes les aides auparavant accordées, voire en volant les taxes revenant à l'administration palestinienne. Récemment tout de même, les États-Unis et Israël acceptèrent que des marchandises entrent dans les Territoires occupés : seulement il s'agissait d'armes devant équiper les milices du Fatah, opposées à celles du Hamas.
La prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas, pour prévisible qu'elle ait été, a tout de même semblé surprendre le gouvernement israélien ainsi que ceux des principaux pays occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis et les pays de l'Union européenne. Tous ont une responsabilité écrasante dans l'impasse politique qui touche cette partie du Proche-Orient. Ils ont systématiquement coupé l'herbe sous les pieds du Fatah, ouvrant ainsi la voie au Hamas, si bien qu'ils ne peuvent prétendre être surpris aujourd'hui.
Les victoires du Hamas ne sont au fond que le revers de la politique jusqu'au-boutiste d'Israël. À l'agressivité permanente d'Israël répond le renforcement du parti islamiste en Palestine. Bien que le programme social du Hamas se réfère à un « libéralisme » conservateur ; bien qu'il développe nombre de positions réactionnaires, à l'égard des femmes en particulier ; bien que de ce fait la population pauvre ne puisse être réellement représentée par un tel parti, son radicalisme opposé aux compromissions du Fatah suscite encore des espoirs.
Voilà soixante ans que des centaines de milliers de Palestiniens ont été chassés de leur pays et leurs village rasés. Voilà quarante ans que les territoires de Cisjordanie et de Gaza ont été occupés. Voilà des décennies que ce peuple est martyrisé, que ses terres lui sont volées, que ses déplacements sont empêchés et qu'il est bombardé à la moindre de ses tentatives pour secouer ce joug infâme. La politique du Fatah et celle du Hamas peuvent susciter bien des critiques. Mais quoi qu'il en soit, le combat des Palestiniens pour leurs droits nationaux et pour une vie digne est un combat juste qui devra aboutir. C'est là l'intérêt des Palestiniens mais aussi celui de la population israélienne, qui devra tôt ou tard rompre avec la politique que tous ses gouvernements ont menée jusqu'alors, et trouver les moyens d'une coexistence fraternelle avec les peuples voisins.