Le deuxième tour des législatives : Un avertissement qui coûte 35 députés à l'UMP21/06/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/06/une2029.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le deuxième tour des législatives : Un avertissement qui coûte 35 députés à l'UMP

L'aspect le plus marquant du deuxième tour des législatives de 2007 est le sursaut d'une partie de l'électorat de gauche qui a fait que le raz-de-marée électoral annoncé en faveur de la droite n'a pas eu lieu. L'UMP dispose d'une majorité confortable à l'Assemblée, mais elle n'est pas écrasante, et l'opposition de gauche a augmenté le nombre de ses députés.

Bien sûr, le décalage le plus important s'est fait entre certaines prévisions - 450, voire 500 députés annoncés pour l'UMP - et le résultat final. Ce n'est certes pas la première fois que des extrapolations à partir des sondages aboutissent à des prévisions fantaisistes. Mais il n'y a pas que cela.

La comparaison avec le deuxième tour des législatives de 2002 va dans le même sens. Le nombre de députés UMP recule de 359 en 2002 à 324 en 2007, soit 35 sièges. Le PS, de son côté, passe de 149 députés à 207, ce qui représente 58 sièges de plus. Il est difficile de comparer les pourcentages des électorats qui ont voté, respectivement, pour l'UMP et pour le PS, car cela dépend, évidemment, du nombre de députés élus au premier tour. Mais, alors qu'en 2002 l'ensemble de la gauche n'avait recueilli que 42,13 % des voix au deuxième tour, en 2007 le pourcentage passe à 49,1 % (et 49,7 % seulement pour la droite).

L'abstention étant du même ordre (autour de 40 %) entre le premier et le deuxième tour de ces élections, on peut en conclure que deux mouvements se sont croisés pour aboutir au résultat.

Une réaction de l'électorat de gauche

D'un côté, après un premier tour triomphal dans la foulée de la victoire de Sarkozy à la présidentielle, l'électorat de droite n'a pas éprouvé le besoin de se remobiliser. Pour des raisons symétriques, l'électorat de gauche s'est remobilisé, en particulier dans les circonscriptions où un candidat de la droite risquait d'écarter un député de gauche.

Les commentateurs glosent beaucoup sur la volonté de rééquilibrage d'un électorat, pris comme une entité globale, qui aurait voulu ainsi montrer à Sarkozy qu'il ne voulait pas lui donner un pouvoir excessif. Mais l'électorat n'est pas un tout avec une seule volonté. C'est bien l'électorat populaire qui s'est remobilisé dans une certaine mesure. Pourquoi ? Parce qu'il aurait été touché par l'axe électoral des dirigeants socialistes qui était qu'il fallait envoyer à la Chambre une forte opposition qui puisse représenter un contre-pouvoir à celui de Sarkozy ? Que l'électorat de gauche ait été touché ou pas par cette argumentation fallacieuse, deux annonces faites par le gouvernement l'ont amené à réagir. D'une part, l'information que le smic ne bénéficiera pas, cette année, du pourtant dérisoire coup de pouce que les gouvernements même de droite donnaient à l'augmentation annuelle mécanique du smic ; et, surtout, l'annonce d'une hausse énorme de la TVA.

Bien que le gouvernement ait accolé le terme « sociale » à cette hausse de la TVA et que le Premier ministre l'ait présentée comme une « TVA contre les délocalisations », l'électorat populaire a interprété, à juste raison, cette annonce d'augmenter la TVA de cinq points comme la menace d'une augmentation très sensible des prix, dont les catégories les plus pauvres de la population allaient être les principales victimes.

La réaction a été immédiate, bien que purement électorale. Elle a des conséquences politiques.

À s'en tenir à l'arithmétique parlementaire, l'UMP conserve une majorité suffisante à l'Assemblée pour voter toutes les lois que Sarkozy lui demandera. Cela ne console certainement pas tous les candidats présentés ou soutenus par l'UMP qui, au premier tour, entrevoyaient déjà ce fauteuil parlementaire qui allait leur échapper au second.

Plus d'un maudit l'ex-ministre de l'Économie, Jean-Louis Borloo, fraîchement promu à la place de Juppé, pour s'être engagé dans un débat avec Fabius, le soir du premier tour, confirmant qu'une hausse de la TVA était, en effet, envisagée. L'imprudence aurait coûté, selon Raffarin, pas content du tout, 60 sièges à l'UMP. Lui, il aurait sûrement menti en réponse à la question posée.

Du côté de la gauche, le PS peut bénir ce rebondissement de l'opinion publique qui transforme son échec du premier tour en demi-succès au second. Même le PCF et les Verts tirent leur épingle du jeu, bien que le PCF n'ait que 18 députés, en comptant les apparentés, au lieu de 21 dans la précédente Assemblée. Mais, par rapport aux deux ou trois que prévoyaient les sondages, c'est évidemment une heureuse surprise.

Une certaine inquiétude

Mais il y a autre chose, au-delà de la satisfaction ou de la déception partisane respectives du PS et de l'UMP. Lorsque le quotidien Le Monde, par exemple, se réjouit que les législatives ne se soient pas traduites par une écrasante majorité de droite, ce n'est pas seulement parce que son coeur penche du côté du PS. « Avec une gauche dotée de 227 sièges, le Parlement sera, plus sûrement que la rue, le lieu de discussion des sujets qui fâchent. L'insatisfaction pourra s'y exprimer avec quelques chances d'être entendue, sinon écoutée », écrit le quotidien. Ce souhait que le Parlement soit « le lieu de discussion des sujets qui fâchent », plutôt que la rue, indique une inquiétude qui n'est pas seulement celle de l'éditorialiste du Monde.

Un des inconvénients d'une concentration trop importante du pouvoir est qu'elle constitue un objectif trop tentant pour les classes populaires. Et Le Monde n'a peut-être pas tort lorsqu'il évoque l'hypothèse que Sarkozy lui-même « ne verra sans doute pas que des inconvénients à cette victoire moins large qu'annoncée », et pas seulement en raison des difficultés que, bien souvent dans le passé, des présidents ont eues avec leur propre majorité parlementaire lorsque celle-ci était écrasante.

Le gouvernement se prépare à porter des coups aux classes populaires. Certains ont été répétés tout au long de la campagne. D'autres suivront comme le projet d'augmenter la TVA, maladroitement dévoilé entre les deux tours des élections.

Comment la colère se manifestera-t-elle ? Rien ne garantit que la réaction se limitera à celle, indirecte et atténuée, des protestations parlementaires.

Après avoir joué le matamore pendant la campagne électorale présidentielle pour gagner des voix à droite, Sarkozy est bien plus prudent depuis qu'il est élu. Sa prise de contact avec les dirigeants syndicaux avant même d'être investi, son choix de prendre quelques ministres de gauche dans le gouvernement, quitte à en écarter des gens de son camp, ou encore son geste vis-à-vis du milieu enseignant de supprimer les mesures du ministre de Robien montrent qu'il redoute des réactions venant de différentes catégories des classes populaires. C'est encore lui qui a reculé sur la TVA sociale, annonçant qu'elle ne serait pas appliquée immédiatement, voire pas du tout, si elle entraînait une hausse des prix. Ce n'était qu'une promesse, et elle venait trop tard.

Ce ne sont pas les responsables syndicaux que Sarkozy craint, et encore moins l'agitation parlementaire des députés de gauche. Mais il vaut mieux les ménager car les uns comme les autres peuvent être indispensables pour canaliser, pour endiguer le mécontentement venant d'en bas.

Le sursaut de l'électorat populaire n'est qu'un petit indice, mais Sarkozy a raison de prendre pour un avertissement sans frais ce qu'il pourrait bien annoncer.

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