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Leur société
Pétrole ou biocarburants ? Un carburant vert comme un billet de banque
Une fois de plus, les responsables des pays les plus riches du monde, réunis en Allemagne, ont discuté du réchauffement de la planète, de la pollution, des énergies de remplacement, etc.? avant de décider des mesures aussi inefficaces que les précédentes.
La consommation de pétrole pour les transports ne cesse d'augmenter. Mais d'une part la quantité de pétrole, produit d'une longue évolution géologique, est forcément limitée. D'autre part la combustion du carburant est la cause d'une pollution massive, sans doute même une des causes du fameux réchauffement de la planète qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques.
Or depuis longtemps des carburants alternatifs ont été développés. On sait fabriquer à partir de certains végétaux (canne à sucre, maïs, soja, betterave, blé...) des carburants capables de faire fonctionner un moteur avec un rendement satisfaisant et pour un coût comparable à celui du pétrole. La quantité disponible de ces " biocarburants " dépend uniquement de la surface de terre arable consacrée à leur production et ne connaît donc pas les mêmes limites que la production pétrolière.
Mais quand on a dit cela, on n'a pas fait le tour du problème. Si certaines études affirment que les biocarburants sont moins polluants que le pétrole, car les plantes consomment en poussant le gaz carbonique que le biocarburant dégage en brûlant, d'autres, considérant le problème dans son ensemble, avancent que la somme des engrais nécessaires à la culture, de l'eau consommée et polluée dans la transformation et de la pollution due à la combustion rendraient les biocarburants en fait plus polluants que les carburants fossiles. D'autres encore affirment que les terres mises en culture pour les biocarburants le seront forcément aux dépens des terres de cultures vivrières et des terres vierges, " poumons de la planète ".
La question du choix des sources d'énergie, qui peut rapidement devenir cruciale et ne peut être résolue qu'à l'échelle de la planète, est pourtant entièrement laissée aux décisions des groupes privés. La production de biocarburant devenant rentable et les États la subventionnant, les grands groupes industriels (agroalimentaires, pétroliers, automobiles) s'y sont lancés sans autre préalable que des études financières et sans autre souci que le profit immédiat.
Ainsi des forêts vierges sont défrichées en Indonésie et au Brésil pour faire place à des cultures intensives de plantes à biocarburant. Aux États-Unis, premier producteur mondial de maïs et de biocarburants, et principal promoteur de leur utilisation, une partie croissante des terres est convertie en cultures destinées à ce commerce. Les besoins de cette nouvelle industrie entraînent une hausse constante du prix du maïs et, par ricochet, des autres céréales. Au point que la Banque Mondiale prévient que les prix élevés des céréales risquent de conduire à la famine dans les pays pauvres. Au Mexique, où la base de l'alimentation est le maïs, le gouvernement a déjà dû intervenir pour limiter autoritairement la hausse des prix à 40 %. La FAO, l'agence des Nations unies spécialisée dans l'agriculture, prévoit quant à elle que les pays qui doivent importer de grandes quantités de céréales et d'huile végétale, comme le Maroc et l'Ethiopie, sont menacés par la hausse des prix de ces denrées. Le marché mondial des céréales est dominé par quelques grandes compagnies et ce n'est pas l'ONU qui les contraindra à vendre bon marché à des affamés plutôt que cher aux sociétés de biocarburant.
Pour l'instant, le bilan de cette nouvelle industrie, encouragée et subventionnée par les États au nom de la préservation de l'environnement, consiste donc en une dégradation rapide de celui-ci, accompagnée de risques de famine... mais de profits assurés pour quelques grandes sociétés. Tout cela sans qu'aucune solution soit donnée à la question de la production d'énergie et à celle de la pollution.
La recherche du profit, enrobée ou non de considérations écologiques, n'est plus depuis longtemps le " moteur de la croissance ". Elle est le principal frein au développement de l'humanité et même le principal danger pour sa survie.