Des "peines plancher" qui vont remplir les prisons13/06/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/06/une2028.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des "peines plancher" qui vont remplir les prisons

Pendant sa campagne électorale, Sarkozy s'était engagé à lutter contre la délinquance, par l'instauration de peines plancher pour les récidivistes et en ôtant l'excuse de la minorité pour les jeunes de 16 à 18 ans. Le projet de loi que Rachida Dati, ministre de la Justice, doit présenter cet été au Parlement revient en partie sur les annonces de Sarkozy. Mais il aboutira néanmoins à surpeupler les prisons sans rien résoudre du problème de la délinquance.

Il est prévu qu'un délinquant qui récidive pour le même délit (et non pour n'importe quel autre, comme le souhaitait Sarkozy) soit condamné à une peine plancher équivalant au tiers de la peine maximale encourue pour la première récidive ; les peines seraient ensuite dégressives. Ainsi, quelqu'un qui vole un CD pour la seconde fois sera condamné à un an de prison ferme, puisque la peine maximale prévue par la loi est de trois ans. Toutefois, une marge sera laissée au juge qui pourra prononcer une autre condamnation, à condition de l'accompagner d'un avis motivé. Il en va de même en ce qui concerne les mineurs délinquants : l'excuse de minorité (qui divisait par deux les peines prévues) serait abolie pour les mineurs de 16 à 18 ans, mais là aussi le juge pourra moduler la sentence.

Par rapport à ce qui se passe actuellement, il n'y aurait donc pas un grand changement, si ce n'est que, vu la rapidité avec laquelle les procès sont conclus, surtout pour les petits délits, il est prévisible que la solution la plus simple et la plus rapide, celle d'appliquer les peines plancher, risque d'être privilégiée par nombre de juges.

Ces lois auront donc probablement pour conséquence d'envoyer plus de monde en prison, alors que celles-ci sont déjà surpeuplées. Elles ne s'en prendront évidemment pas aux causes de la délinquance. L'existence de la délinquance est bien sûr un problème difficile à résoudre, et qui s'est toujours posé dans toutes les sociétés. Il a donc aussi fourni un thème aux politiciens en mal d'arguments.

Il a été facile pour Sarkozy de faire de la lutte contre la délinquance un des thèmes de sa démagogie de campagne électorale, se présentant comme celui qui veut réellement lutter contre la délinquance, mais serait freiné par le laxisme de certains juges qui laissent trop de délinquants en liberté. Tout naturellement, les propositions qui en résultent après son élection aboutiront seulement à remplir encore un peu plus les prisons, sans rien résoudre sur le fond.

Certes, il y a des individus dangereux qu'il faut empêcher de nuire. Mais il y a des degrés dans la délinquance, et la prison n'a jamais fourni la réponse pour l'éradiquer, bien au contraire ; elle a toujours été plutôt " l'école du crime ", d'où les condamnés sortent souvent plus endurcis et plus brutaux encore qu'ils ne l'étaient en y entrant. Et si la première solution choisie vis-à-vis des mineurs est de les envoyer en prison en guise de méthode éducative, on peut facilement prévoir que cela ne stoppera en rien l'augmentation de la délinquance.

Mais qu'importe à un Sarkozy : ce n'est pour lui que l'occasion de jouer les gros bras.

Marianne LAMIRAL

L'exemple des États-Unis

Les États-Unis sont connus pour la dureté de la répression des délits, notamment avec l'existence de " peines plancher ". Voici des extraits d'une présentation du pays, faite par l'ambassade de France, qui tend à montrer que l'emprisonnement ne résout rien et n'a pas de valeur dissuasive sur les délinquants :

"Les prisons hébergent 2 millions de prisonniers (1,5 % de la population, le quart de la population carcérale mondiale). (...) L'emprisonnement apparaît comme une réponse aux problèmes sociaux : le nombre de malades mentaux y est supérieur à celui des hôpitaux. Alors que la criminalité baissait il y a dix ans, elle a été en hausse de 2 % en 2001". Et pourtant, " la violence reste un trait de société : on y dénombre en moyenne quatre fois plus d'homicides qu'en Europe ".

Partager