Liban : Le chaos s'installe08/06/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/06/une2027.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Liban : Le chaos s'installe

Quel est l'enjeu réel de la bataille engagée depuis le 20 mai par l'armée libanaise autour du camp palestinien de Nahr-Al-Bared pour tenter d'anéantir le groupe islamiste Fatah Al-Islam qui s'y est installé ? En tout cas, il est difficile de se satisfaire des explications simplistes fournies par le gouvernement libanais, mais aussi par la plupart des organes de presse.

En effet encore une fois ceux-ci ont mis en cause la Syrie, l'accusant d'avoir voulu déstabiliser le Liban en manipulant ce groupe islamiste et en lui donnant les moyens de s'armer et de commettre des attentats. L'explication était d'autant plus opportune que les États-Unis, la France et leurs alliés s'apprêtaient précisément à faire voter, par le Conseil de sécurité, la mise en place d'un tribunal international pour juger les assassins de Rafik Hariri, l'ex-Premier ministre libanais assassiné le 14 février 2005 dans un attentat spectaculaire dont beaucoup accusent les services syriens. Les combats autour de Nahr-Al-Bared tendaient ainsi à montrer l'urgence de la mise en place du tribunal.

Sa création a donc été votée le 30 mai par le Conseil de sécurité, aux applaudissements de la coalition dite " du 14 mars " qui s'est créée autour du clan Hariri et qui regroupe les alliés libanais de la France et des États-Unis. Ce tribunal international, qui se place ainsi au-dessus des lois libanaises, est surtout une façon pour les dirigeants occidentaux de tenter d'imposer leurs choix en passant outre aux forces politiques qui s'opposent au groupe " du 14 mars ". C'est une menace dirigée contre les dirigeants syriens, accusés d'être responsables de l'assassinat de Rafik Hariri, dans le but, sinon de les condamner, du moins de les forcer à se plier aux conditions des dirigeants occidentaux.

En même temps, ceux-ci et leurs alliés du " 14 mars " cherchent à sortir de la situation que connaît le pays depuis le mois de décembre. Le Hezbollah, sorti renforcé de la guerre d'Israël contre le Liban l'été dernier, a alors tenté d'exiger une plus grande place au gouvernement. Le bloc du " 14 mars " la lui refuse, et depuis toute décision est bloquée dans ce pays en partie détruit et à l'économie en piteux état.

Que vient faire dans ces conditions l'intervention de l'armée à Nahr-Al-Bared ? Cette intervention pour rétablir l'ordre contre un groupe islamiste que personne ne défend, mais dont le résultat a été au passage de semer la terreur dans un camp palestinien et de le vider de ses habitants, est-il un ballon d'essai préparant d'autres interventions ? On peut se poser des questions sur les objectifs réels de cette offensive de l'armée, mais aussi sur les soutiens qu'a pu avoir le groupe Fatah-Al-Islam. Selon l'enquête d'un journaliste américain, ce groupe, qui se réclame d'Al Qaeda, a été créé à l'origine grâce à de généreuses subventions... venant du clan Hariri lui-même. Celui-ci aurait voulu susciter des groupes armés sunnites capables de faire pièce aux forces du Hezbollah implantées parmi les chiites.

Le clan Hariri a-t-il maintenant " lâché " ses protégés, saisissant au passage l'occasion d'attribuer à la Syrie la responsabilité de la violence et du désordre au Liban ? La manipulation paraîtrait grossière, mais le Liban est un champ clos de manipulations en tout genre émanant des divers services, secrets ou moins secrets, dans lesquelles on ne sait plus très bien qui manipule qui, et le pays en a donc connu bien d'autres.

En tout cas le chaos est maintenant installé. À la vieille division entre chrétiens et musulmans s'est ajoutée maintenant la division entre musulmans sunnites et chiites, entre bloc " du 14 mars " et Hezbollah. Il faudrait peu de choses pour que la haine débouche sur un conflit ouvert, rappelant ce qui se passe depuis des mois en Irak. C'est peut-être ce que certains voudraient provoquer, par le biais de groupes islamistes se cachant commodément derrière l'étiquette d'Al Qaeda, ou bien en faisant monter la tension par des attentats.

L'obstination des États-Unis, de la France et de leurs alliés libanais, à l'heure où le pays semble s'enfoncer dans un chaos dont ils portent une grande part de responsabilité, pour maintenir coûte que coûte à sa tête le peu recommandable clan de banquiers affairistes regroupés autour des Hariri, tout cela en se servant d'un tribunal international créé pour l'occasion à l'ONU, a quelque chose de dérisoire.

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