Arlette Laguiller : "Le contre pouvoir sera dans les entreprises et dans la rue"08/06/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/06/une2027.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Arlette Laguiller : "Le contre pouvoir sera dans les entreprises et dans la rue"

Le 5 juin se tenait au Théâtre de la Mutualité à Paris un meeting de soutien aux candidats Lutte Ouvrière d'Ile-de-France, dans lequel Arlette Laguiller a pris la parole. Voici des extraits de son intervention.

Sarkozy au service des possédants

Le gouvernement Fillon n'a pas attendu la victoire électorale aux prochaines législatives pour annoncer les premières mesures qui illustrent ce que Sarkozy entend par " réformes ". Les unes visent à favoriser encore plus les possédants. Les autres, à enfoncer encore plus la tête sous l'eau des classes populaires.

Une de ces mesures concerne l'abattement des charges sociales sur les heures supplémentaires. Déjà telle qu'elle avait été promise par Sarkozy pendant sa campagne présidentielle, elle ne pouvait qu'inciter les patrons à user et à abuser des heures supplémentaires, au lieu d'embaucher. Mais Fillon vient de préciser une nouvelle nuance : la déduction des charges sociales pourrait s'appliquer aussi pour les travailleurs à temps partiel.

Pourquoi le patron d'une chaîne commerciale ou d'un magasin embaucherait-il donc à temps complet, alors qu'en multipliant les temps partiels il a plus de flexibilité, avec en prime l'avantage de ne pas avoir à payer de charges sociales sur les heures complémentaires ? Le salarié ne paiera certes pas, non plus, de charges, mais avec toutes les conséquences que cela aura sur son assurance maladie, accidents du travail et sur la retraite. Ce sont des mesures à fabriquer des pauvres.

Et tout le reste est à l'avenant.

Pour le Parti Socialiste, la fin d'une période

Les élections de 2007, présidentielle puis législatives, auront vraisemblablement clos une période commencée par le retour au pouvoir du PS en 1981 ou, plus exactement, par la signature du Programme commun et la création de l'Union de la gauche en 1972.

C'est grâce à l'Union de la gauche, c'est-à-dire grâce au Parti Communiste, que le Parti Socialiste a pu revenir au pouvoir, après un quart de siècle d'abstinence forcée.

Politiquement, c'est le PCF qui avait apporté à ce politicien de centre-droit qu'était Mitterrand la caution de gauche pour pouvoir se présenter comme un homme de gauche d'abord, puis comme l'homme providentiel dont la gauche avait besoin. C'est le PC qui avait apporté le nombre de voix qui manquait à Mitterrand pour être élu à la présidentielle et, au Parti Socialiste, ce qui lui manquait pour être majoritaire dans les élections législatives en 1981, en 1988 et, pour la dernière fois, en 1997. Le Parti Communiste avait joué, au premier tour des législatives, le rôle de ramasse-voix sur la gauche du PS, pour apporter ces voix à ce dernier au second tour. En récompense, mais aussi pour faire cautionner sa politique, Mitterrand avait offert des places de ministres au PC en 1981.

C'est avec l'appui du PC que le PS a pu devenir une alternative à la droite, elle-même affaiblie par ailleurs par le développement du FN lui disputant son électorat. C'est grâce au PC que, pendant plus de la moitié des vingt-six ans écoulés depuis l'accession de Mitterrand à la présidence en 1981, le PS a occupé soit la présidence, soit la tête du gouvernement, soit les deux à la fois.

Le pari de Mitterrand de réduire l'influence électorale du PC, annoncé publiquement avant même l'accession de l'Union de la gauche au pouvoir, allait être un pari gagnant. Avec la complicité des dirigeants du PC, qui ne proposaient comme perspective politique aux classes populaires que l'alliance PC-PS et un gouvernement d'Union de la gauche, Mitterrand avait réussi son opération au-delà de son espoir. En prenant la tête du gouvernement en 1997, Jospin a repris à son compte la même opération sous le nom de " Gauche plurielle ".

En 1981, l'année de l'arrivée au pouvoir de Mitterrand, le Parti Communiste recueillait 16,1 % des voix lors des législatives, et son candidat, Georges Marchais, 15,5 %.

Aux élections de 2002, qui marquaient la fin du gouvernement Jospin, le PCF en était réduit à 4,82 % des voix aux législatives et son candidat à la présidentielle, Robert Hue, devait se contenter de 3,37 % des suffrages.

C'est toute une période historique qui semble s'achever avec l'échec du PS à l'élection présidentielle de 2007, celle de l'Union de la gauche et de la Gauche plurielle comme moyens pour le PS d'accéder à la présidence ou à la tête du gouvernement.

Car, au fur et à mesure que le PCF redonnait du crédit au Parti Socialiste, il perdait le sien. Il s'est déconsidéré vis-à-vis de son électorat traditionnel.

Le PS est devenu depuis longtemps hégémonique à l'intérieur de la gauche, mais l'affaiblissement du PC, dont il a été le grand bénéficiaire, se retourne maintenant contre lui.

Sur le plan politique, le PC n'a plus le crédit pour apporter au PS une caution de gauche. Et, sur le plan de l'arithmétique électorale, l'apport du PC au PS est devenu insignifiant. La stratégie électorale qui avait si bien réussi à Mitterrand et qui, en 1997, avait encore permis à Jospin de s'assurer une majorité à l'Assemblée, et donc la direction du gouvernement, est aujourd'hui dans l'impasse. L'effondrement électoral du PC compromet tout espoir pour le PS de revenir au pouvoir à brève échéance. Ce ne sont ni les écologistes de différentes obédiences, ni la nébuleuse antilibérale de gauche qui peuvent se substituer au PC pour assurer au PS le complément de voix qui lui manque.

La légitimité de la lutte de classe

Non, il n'y aura pas à l'issue de ces législatives, et il ne pourra pas y avoir, de contre-pouvoir parlementaire à la domination de la droite antiouvrière. Mais tout ne se passe pas à l'Assemblée et le contre-pouvoir pourra se déployer ailleurs, en dehors des murs de l'Assemblée nationale, dans les entreprises et dans la rue. Et c'est même là seulement qu'un contre-pouvoir pourra s'établir.

La classe sociale victime de la politique menée n'a qu'un seul moyen de se défendre : en faisant irruption directement dans le domaine politique, en bouleversant ce jeu, en en rejetant les règles.

Eh bien, les travailleurs n'ont pas à se sentir engagés par les scrutins qui ont donné le pouvoir à la droite. Ils n'ont pas à accepter qu'au nom d'une prétendue légitimité d'un nouveau président de la République réactionnaire et antiouvrier, on continue à les appauvrir et à les opprimer !

Non, l'exploitation et l'oppression ne sont jamais légitimes, même si elles sont votées par une majorité ! Et ceux qui subissent l'exploitation et l'oppression ont évidemment le droit moral et la légitimité humaine de se défendre.

Les commentateurs n'ont pas eu des mots assez durs pour me reprocher d'avoir dit que les bulletins de vote ne sont que des chiffons de papier. Ils y ont vu évidemment la démonstration que les révolutionnaires que nous sommes n'ont que faire de la démocratie.

Cela ne les choque pas du tout que les entreprises et toute l'économie soient dirigées de manière dictatoriale et sans la moindre consultation même de ceux qui subissent les contrecoups des décisions des conseils d'administration. Cela ne les choque pas que quelques individus, parce qu'ils représentent les intérêts de puissants groupes financiers, puissent fermer une usine, en délocaliser d'autres, et fabriquer des centaines ou des milliers de chômeurs et démolir la vie économique locale.

Eh bien oui, je persiste et signe pour dire que les bulletins de vote ne peuvent être que des chiffons de papier tant que l'économie, c'est-à-dire la vie quotidienne de la population, est entre les mains d'une minorité de possesseurs de capitaux dont la seule motivation est la recherche du profit maximum. On ne pourra parler véritablement de démocratie que lorsque la société maîtrisera aussi, démocratiquement, sa vie économique, la façon de produire les biens nécessaires à la collectivité et la façon de les répartir.

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