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Leur société
Scrutin majoritaire ou proportionnel ? Un système inique et biaisé
Le mode d'élection des 577 députés de l'Assemblée nationale en France est parmi les moins démocratiques. Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours élimine en effet dès le premier tour tout candidat qui n'aurait pas recueilli 12,5 % des inscrits, donc un plus fort pourcentage des exprimés - près de 18 % si 30 % des électeurs s'abstiennent, par exemple. Un candidat peut être élu dès le premier tour s'il a obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés et au moins un quart des inscrits. Au second, est élu celui qui recueille le plus de suffrages, à la majorité relative. Si plus de deux candidats franchissent la " barre " du premier tour, des désistements peuvent intervenir et ramener le choix des électeurs à deux candidats.
Ce système pourrait, poussé à l'absurde, n'amener à siéger dans les 577 circonscriptions que les candidats d'un seul parti, l'UMP par exemple, qu'ils soient élus dès le premier tour avec à peine plus de la moitié des suffrages exprimés ou que, grâce aux désistements en leur faveur, ils se trouvent en tête au deuxième tour dans toutes les circonscriptions. Et dans ce cas, les électeurs des candidats de l'opposition, même presque aussi nombreux que les électeurs des candidats majoritaires, pourraient n'avoir aucun élu, et cette situation durerait le temps d'une législature, cinq ans.
Même si les résultats des scrutins sont dans la réalité moins caricaturaux, l'exemple des élections de juin 2002 est parlant : avec 34 % des voix au premier tour, le parti chiraquien a obtenu près de 60 % des sièges, soit 351 sur 577. S'ajoutaient à cette large majorité quelques dizaines d'autres élus de droite, comme les 26 députés UDF, qui renforçaient encore la domination des élus de droite à l'Assemblée.
Pour justifier ce mode de scrutin, ses partisans évoquent la nécessité d'obtenir une majorité à l'Assemblée, ce qu'il favorise effectivement, mais ne garantit nullement. En revanche il s'oppose à toute représentation réelle du corps électoral. Mais il s'intègre très bien dans un système constitutionnel qui vise à faire de l'Assemblée nationale une simple chambre d'enregistrement, surtout depuis que l'inversion du calendrier électoral a pratiquement écarté tout risque de cohabitation entre un président d'une couleur et une majorité parlementaire d'une autre.
Le système majoritaire en écarte totalement les courants les plus minoritaires, ne permet aucune représentation des fractions de l'électorat qui ne se reconnaissent ni dans les candidats de la droite ni dans ceux de la gauche gouvernementale.
Ce mode de scrutin est même parvenu, en juin 2002, à écarter de l'Assemblée un courant malheureusement représentatif au point d'avoir été présent au second tour de la présidentielle, celui des électeurs du Front National, ce en quoi seuls des analystes à la vue courte ont pu voir une " victoire de la démocratie ".
Le seul mode de scrutin qui permettrait une représentation fidèle du corps électoral - ce qui ne signifie pas de l'ensemble des travailleurs - serait un système proportionnel à l'échelle nationale, qui seul réduirait à néant les découpages de circonscriptions qui calibrent à l'électeur près un secteur pour un candidat, en noyant par exemple les quartiers ouvriers d'une ville dans les campagnes voisines. Une proportionnelle intégrale réduirait également les distorsions qui se produisent entre un député élu pour 70 000 inscrits, pour certains partis, et un pour 180 000 pour d'autres. Elle n'avantagerait pas les départements ruraux par rapport aux département fortement urbanisés.
Comme la proportionnelle était une vieille revendication de la gauche, en juin 1986, pendant le premier mandat de Mitterrand, les députés, exceptionnellement, avaient été désignés selon un scrutin proportionnel de liste, bien que limité à l'échelle départementale, de façon à éliminer quand même les courants minoritaires. La droite, ayant lors de ce scrutin acquis une majorité à la Chambre, s'empressa néanmoins de ramener le scrutin majoritaire, ce que les Chambres de gauche élues après 1988 et 1997 ne tentèrent pas de remettre en cause.