Chirac dépose son bilan : Un homme de droite peut en cacher un autre16/05/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/05/une2024.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chirac dépose son bilan : Un homme de droite peut en cacher un autre

Ces jours-ci, la presse et les médias tirent le bilan des douze ans de présidence Chirac, et le ton est plus ou moins amène. Le Monde parle de " molesse hésitante ". Selon d'autres, Chirac rendrait " le régime tel que le lui a transmis François Mitterrand ". Et certains, à cause de ses discours sur la " fracture sociale ", vont jusqu'à le situer " à gauche ", oubliant du même coup qu'il y a quelque trente ans le président sortant était surnommé " facho-Chirac ", exactement comme certains parlent aujourd'hui de " Sarko-facho ".

La carrière politique du jeune Chirac débuta en 1962 dans le cabinet de Pompidou, alors Premier ministre de De Gaulle. Il fut élu conseiller municipal de Corrèze en 1965 et député en 1967. Il expliquera plus tard : " Quand j'ai été élu, je suis entré tout de suite au gouvernement. (...) Les gouvernements changeaient, moi je restais avec les meubles. " Il sera, entre autres, secrétaire d'État aux Affaires sociales et participa à ce titre aux négociations de Grenelle lors de la grève générale de Mai 68.

Un ambitieux jeune homme

La mort de Pompidou en 1974 révèla ses ambitions. " On a toujours dit de Chirac qu'il était con, gentil et généreux. C'est tout le contraire. Il est intelligent, complexe et très intéressé ", déclare un connaisseur (Sarkozy). Pour devenir Premier ministre, Chirac est prêt à tout, y compris trahir son clan. En 1974, le gaulliste Chirac aide le républicain indépendant Giscard à devenir président, aux dépens du gaulliste Chaban-Delmas. Giscard lui offre la place de Premier ministre convoitée.

Mais en 1976 Chirac claque la porte. Le " tueur " de Chaban s'est réconcilié avec l'appareil gaulliste, rebaptisé RPR en 1976. L'année suivante, il est élu à la mairie de Paris, dont il entend faire son tremplin pour l'Élysée. C'est ce qui lui vaut les poursuites des juges pour financement occulte du RPR, interrompues par ses mandats présidentiels. Candidat, comme Giscard, à l'élection présidentielle de 1981, et battu au premier tour, il appelle du bout des lèvres à voter Giscard... tout en faisant voter Mitterrand.

Chirac retrouva le poste de Premier ministre face au président Mitterrand pendant la cohabitation de 1986-1988. Mais la réélection de Mitterrand reporta à sept ans ses ambitions et suscita celles de son " ami de trente ans " Balladur. Flanqué de Sarkozy. Balladur sembla pouvoir l'emporter mais Chirac, qui avait gardé en main l'appareil du RPR, remporta l'élection en dénonçant, le temps de l'élection, la " fracture sociale ".

Celle-ci fut mise au placard quand son Premier ministre Juppé s'attaqua à la Sécurité sociale et aux régimes de retraite du secteur public, provoquant une grève des cheminots et des manifestations qui l'obligèrent à reculer. Deux ans après, dans l'espoir de renforcer sa majorité parlementaire, il dissout la Chambre des députés. Les élections ramenèrent au gouvernement la gauche, conduite par Jospin. Deux cents députés de droite y perdirent leur siège.

Les " Guignols de l'info " ont fait de Chirac " Super-menteur ". Au premier tour de la présidentielle de 2002, il n'obtient que moins de 20 % des voix. Mais Le Pen devance Jospin et, dans le souci de ne pas s'expliquer sur les raisons qui lui ont fait perdre quelque 4,1 millions de voix, la gauche préfère dénoncer une prétendue " menace fasciste " et appelle à voter pour " Super-menteur ", engageant ainsi des millions d'électeurs de gauche à voter pour un homme de droite !

La " fracture sociale " élargie

Chirac est ainsi réélu en 2002 avec 82 % des voix, un score de plébiscite. Mais la politique qu'il mène ne tient évidemment aucun compte des voix de gauche qui l'ont élu. En 2005, Chirac décide de consulter par référendum les électeurs pour qu'ils disent " oui " à la Constitution européenne. Cela lui réussit aussi mal que la dissolution de la Chambre en 1997.

Les commentateurs bien intentionnés mettent en avant le fait que Chirac a reconnu les crimes commis par l'État français pendant la période de l'occupation nazie ; ou qu'il s'est abstenu d'engager l'armée française dans l'aventure irakienne aux côtés des États-Unis, après avoir cependant accepté de les accompagner en Afghanistan.

Mais le véritable bilan de douze ans de présidence, c'est que la fameuse " fracture sociale ", au lieu de se réduire, s'est élargie. En 1995, les érémistes étaient 945 000, ils sont désormais 1,2 million. En 1995, la précarité du travail touchait 7,7 % des salariés, elle atteint aujourd'hui 13,6 %. On compte 1,3 million de travailleurs pauvres, avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté. En 1995, les Restos du coeur distribuaient 50 millions de repas, ils en ont servi 75 millions cette année. Et, malgré les traficotages de chiffres, on dénombre 7 millions de pauvres et le taux de chômage officiel reste de 9 %. Par contre, les profits des grandes entreprises n'ont jamais été aussi élevés.

La présidence de Chirac n'a peut-être pas été brillante, comme le disent la plupart des commentateurs. Mais il a tout de même bien mérité des possédants.

Partager