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Dans les entreprises
Airbus - Bouguenais (Loire-Atlantique) : Fin de la grève
Après la trêve du pont du 8 mai, les salariés de la production d'Airbus Bouguenais, près de Nantes, se sont retrouvés devant les grilles de l'usine dès 5 heures pour un piquet, avec l'intention de ne pas lâcher le morceau. La journée était décisive car quatre jours de grand pont pouvaient avoir changé l'état d'esprit.
Après consultation de leurs syndiqués, les différents syndicats venaient rendre compte en assemblée générale de leur décision quant à la poursuite ou pas du mouvement. D'emblée, le syndicat majoritaire FO se coupa en deux, avec d'un côté les cadres et agents de maîtrise réunis dans l'usine votant contre la grève, et de l'autre les syndiqués et délégués FO des ateliers restant dehors et votant la poursuite du mouvement.
La CGT décidait de continuer aussi, avec une partie de la CFDT.
L'intersyndicale élargie aux représentants du comité de grève décidait alors de proposer et de faire voter en AG la poursuite du mouvement sur la plate-forme élaborée le 2 mai, sachant aussi que l'usine de Saint-Nazaire avait voté la continuation du mouvement presque sur la même plate-forme.
La grève fut reconduite à main levée, toujours dans l'enthousiasme, dans la conscience que la partie de bras de fer avec la direction était bien entamée, celle-ci espérant que les pressions individuelles par coups de téléphone ou courrier allaient suffire à décourager les grévistes. Certains chefs n'hésitaient pas, par exemple, à téléphoner aux parents de certains jeunes pour faire doublement pression. Cela a plutôt eu l'effet inverse... Et comme le disait un gréviste en parlant de ces cadres arrogants qui vont en plus toucher la prime obtenue par la grève : " On est peut-être des gueux, mais sans nous ils ne seraient pas là, c'est nous les productifs. " On s'installait alors dans la grève, tandis que la direction maintenait sa position de dire qu'elle ouvrirait des négociations à condition que le travail reprenne.
Devant le blocage de la direction, l'idée de durcir le mouvement et de bloquer les grilles de l'usine dès le lendemain matin commença à s'exprimer à l'AG de l'après-midi. " Ils bloquent, on bloque aussi ". La proposition fut mise aux voix, mais seulement avec une centaine de personnes, ceux qui étaient restés jusque-là.
De fait, à 5 heures le jeudi matin, seuls des piquets dissuasifs se mirent en place. En effet entre-temps la direction avait proposé aux syndicats de reprendre le dialogue, y compris avec des représentants du comité de grève (ce qu'elle refusait jusque-là), à condition que l'usine ne soit pas bloquée. L'AG de 9 heures, avec 400 personnes (moins de monde que la veille) reconduisit une nouvelle fois la grève, tout en apprenant que Saint-Nazaire la suspendait.
L'après-midi du 10 mai, l'intersyndicale, avec trois représentants du comité de grève, était reçue par la direction, qui ne proposait rien de plus que ce qu'elle avait déjà avancé, les 500 euros de prime et des augmentations de salaire de 2,5 %. S'engageant aussi à une petite ouverture concernant le paiement des jours de grève, elle ajoutait que le reste ne dépendait pas d'elle, mais de la direction nationale à Toulouse.
Le lendemain dès 5 heures, beaucoup reprenaient le travail, et l'assemblée générale du matin à 10 heures ne représentait plus que 200 grévistes, qui votèrent la suspension du mouvement en attendant les négociations du mercredi 16 mai avec la direction générale à Toulouse.
À cette assemblée générale de fin de grève, l'intervention du porte-parole du comité de grève fut ovationnée quand il déclara entre autres : " Nous n'avons pas eu tout ce que nous réclamions, mais les choses ont changé dans la boîte. Elles ne seront pas mesurables tout de suite, mais on les a obtenues. Nous allons reprendre le boulot en ayant retrouvé notre dignité. C'est le plus important, plus rien ne sera comme avant. "
Le sentiment général était en effet la fierté d'avoir relevé la tête, dans une entreprise où les conditions de travail et les pressions de l'encadrement sont dures, et aussi la fierté d'avoir " refusé d'accepter l'inacceptable ", comme le disait un gréviste, s'agissant de la prime de 3 euros, alors que les dirigeants et actionnaires empochent les millions ! Le sentiment aussi de s'être fait reconnaître et respecter, non seulement de la direction, mais aussi des syndicats qui, à part la CGT, au départ, ne voulaient pas de la grève.