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Dans le monde
Russie : Eltsine ou l'ivresse du pillage
Le décès de Boris Elstine, président de la Russie de 1991 à 1999, a suscité les condoléances de Bush, Blair, Chirac, etc. qui ont salué cette " figure historique ", cet " homme remarquable " qui " avait fait triompher la liberté ".
En Russie il laissera à beaucoup d'autres souvenirs. Pour tous ceux qui se sont enrichis en pillant le pays, ceux qu'on appelle maintenant les oligarques et qu'on appelait à l'époque les " nouveaux riches ", il restera l'homme qui leur a ouvert la porte, montré l'exemple et laissé les mains libres. Eltsine était le patron du plus puissant clan de voleurs, " la famille " (la sienne au premier chef), dont Poutine, l'actuel président, est l'héritier.
En revanche pour les travailleurs, les retraités, les petites gens, la période Eltsine fut celle de l'appauvrissement rapide, du retour de la mendicité, des enfants des rues et de la tuberculose, des salaires non payés, des retraites de famine, de la fin de la médecine pour tous.
Lorsqu'en 1985 Gorbatchev initia sous le nom de pérestroïka une politique visant à réformer le fonctionnement de l'URSS des bureaucrates pour conforter son pouvoir, il souleva du même coup un peu le couvercle dictatorial qui pesait sur le pays, y compris sur les couches aisées et dirigeantes. Ainsi les appétits des bureaucrates petits et grands, en Russie comme dans les Républiques, purent s'étaler au grand jour après être longtemps restés confinés. Chacun réclamait donc sa part du pouvoir et surtout du gâteau qui va avec.
Eltsine était alors le chef du Parti Communiste de Moscou et un membre du comité central, donc de la haute " nomenklatura ". Pour conquérir le pouvoir politique, il sut s'appuyer sur les bureaucrates qui voulaient dépecer à leur profit l'Union soviétique. En 1991, devenu président de la Russie avec leur appui, il se tailla, essentiellement auprès des Occidentaux, une réputation de " démocrate " en s'opposant à une tentative de putsch menée par quelques généraux sans troupes. C'est à cette occasion qu'on le vit debout sur un char, un mégaphone à la main.
L'Union soviétique fut dissoute en cette même année 1991, adoptant le titre contradictoire de Confédération des États Indépendants (CEI). Mais du même coup, le tissu économique du pays commença à se déchirer puisque l'économie soviétique était intégrée et planifiée à l'échelle de toute l'Union.
La régression économique fut immédiate, encore aggravée par le pillage auquel se livraient les différents clans de bureaucrates. Les richesses du pays furent mises à l'encan par tous ceux qui pouvaient prétendre à une parcelle de pouvoir. Plus le bureaucrate était haut placé, plus il s'enrichissait vite et plus il devenait incontrôlable. En dix ans, 150 milliards de dollars quittèrent la Russie pour se retrouver sur les comptes que ces nouveaux riches avaient ouverts dans les banques occidentales. Dans le même temps ce pillage a fait passer l'économie de l'ex-URSS du 2e au 72e rang mondial.
C'est cela que les représentants de l'impérialisme saluent aujourd'hui, en tant que contribution d'Elstine au rétablissement de l'économie de marché dans l'ex-URSS.
Quant à son apport à la " démocratie ", il ne vaut guère mieux. C'est Eltsine qui déclencha la première guerre de Tchétchénie et son cortège de massacres. Lorsque le Parlement russe fit mine de lui résister, en 1993, il le fit plier par un bombardement qui tua au moins 150 personnes. Puis, " la famille " se trouvant au centre de nombreux scandales financiers, il sélectionna lui-même son remplaçant, Poutine, et lui légua le pouvoir pour le nouvel an 2000. En vertu de quoi la première mesure de Poutine fut de faire adopter une loi mettant Eltsine et " la famille " à l'abri de toutes poursuites judiciaires.
Dans le lent processus de dégénérescence de l'URSS, l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, l'État ouvrier né de la révolution prolétarienne de 1917 en Russie, Boris Eltsine tient donc une bonne place. La bureaucratie avait commencé, avec Staline, par accaparer le pouvoir et prospérer en parasite de l'économie planifiée. Avec Eltsine, les bureaucrates firent un pas de plus. Ne se contentant plus de maltraiter l'arbre et de voler ses fruits, ils entreprirent de débiter le tronc et de le vendre comme bois de chauffage.