- Accueil
- Lutte ouvrière n°2020
- Algérie : Le retour du terrorisme islamiste, une menace contre tous.
Dans le monde
Algérie : Le retour du terrorisme islamiste, une menace contre tous.
Mercredi 11 avril, trois voitures conduites par des kamikazes explosaient devant le Palais du gouvernement à Alger et devant un commissariat de police à Bab Ezzouar. Ces deux attentats, revendiqués par le GSPC (groupe salafiste pour la prédication et le combat), rebaptisé récemment en organisation Al Qaida au Maghreb, ont fait 30 morts et plus de 200 blessés, créant une véritable panique dans la population algéroise.
Pour des centaines de milliers d'Algérois, le cauchemar des années 1990 semble revenir, alors que le terrorisme semblait en déclin et que la capitale passait pour complètement sécurisée depuis des années.
Le siège du gouvernement, en plein centre d'Alger, a été ciblé, ce qui n'était jamais arrivé, même dans les années les plus terribles du terrorisme islamiste. Et puis ces deux attentats ont été le fait de kamikazes, ce qui est une pratique nouvelle des groupes armés en Algérie. Dans certaines localités de la périphérie d'Alger, qui ont été victimes des massacres organisés par le GIA (Groupe Islamiste Armé) à l'automne 1997, l'incapacité du pouvoir à protéger le Palais du gouvernement a ravivé l'inquiétude et les peurs.
En réalité, même si on est loin de la situation de guerre civile larvée qui a opposé dans les années 1990 le pouvoir et les groupes islamistes armés, le terrorisme n'a jamais complètement cessé en Algérie. Le GIA a disparu, l'AIS (Armée islamiste de salut, bras armé du FIS) a déposé les armes depuis des années. Mais vers la fin des années 1990 le GSPC, issu du GIA, est apparu.
Si le GIA a bénéficié de 1992 à 1995 d'un certain soutien populaire dans des régions comme par exemple la Mitidja, aux alentours d'Alger, peu à peu ce soutien populaire s'est affaibli. Le comportement de ses membres accélérant la désaffection à son égard, la réplique du GIA fut les massacres de l'été et de l'automne 1997.
Le GSPC a cherché à se démarquer de ces massacres en ciblant au contraire le pouvoir, ses représentants et en particulier les forces de sécurité. Bien que la Kabylie n'ait jamais été acquise à l'islamisme, le GSPC a pu installer plusieurs maquis dans cette région montagneuse et boisée. Il a évité de s'en prendre à la population, profitant d'une certaine neutralité des villageois, par ailleurs très hostiles au pouvoir. Le GSPC a pu aussi profiter d'autres facteurs, comme le départ de la gendarmerie de certaines communes, suite aux manifestations qui ont touché la Kabylie en 2001. Et puis la religiosité rampante touche aussi la Kabylie, sans compter le chômage qui touche massivement la jeunesse. Les seules perspectives d'embauche sont dans les forces de sécurité mais aussi, pour certains, dans la perspective de rejoindre le GSPC...
Celui-ci a maintenant fait allégeance à Al Qaida. Depuis quelques mois, il a multiplié les attentats et les embuscades contre les commissariats, les gendarmeries et l'armée. S'il a reçu en retour des coups sévères, il semble que le GSPC ait réussi à trouver de nouvelles recrues, à constituer de nouveaux réseaux, dans d'autres régions et y compris dans la capitale. Ainsi plusieurs commissariats ont été attaqués ces dernières semaines dans la périphérie d'Alger.
En s'en prenant à un symbole du pouvoir, le GSPC ne cherche pas l'appui de la population. Bien au contraire, il y sème et ravive la peur. En revanche, son objectif est probablement de récupérer quelques restes du GIA et d'attirer certains islamistes ou ex-terroristes amnistiés en vertu de la loi dite de " réconciliation nationale ". Il peut aussi chercher à recruter une partie de la jeunesse désespérée, non seulement en Algérie mais dans les autres pays du Maghreb, en particulier le Maroc où là aussi, comme le montrent les événements récents, des jeunes peuvent être attirés par le terrorisme islamiste.
Dans l'immédiat, les attentats du 11 avril sont bien sûr un revers pour le pouvoir, par ailleurs fragilisé par la dégradation de l'état de santé du président de la République, Bouteflika. La politique de réconciliation nationale, qui visait à faire rentrer dans le jeu politique certains dirigeants du FIS, l'ancien Front Islamique du Salut, va probablement être remise en cause et reportée à plus tard...
Le retentissement de ces attentats contredit aussi le discours du pouvoir, qui affirme depuis des années que la situation est normalisée en Algérie. Mais il n'impressionnera probablement pas les multinationales européennes ou américaines, qui se précipitent dans le pays pour profiter des dizaines de milliards de dollars du plan de relance alimenté par l'augmentation de la rente pétrolière.
Les groupes terroristes islamistes peuvent sans doute attirer quelques jeunes désorientés, mais ils n'offrent à la population d'autre perspective que de nouvelles tensions et de nouvelles souffrances, accompagnées du renforcement des aspects autoritaires du pouvoir politique. Quant à l'arrivée au pouvoir de tels groupes, si elle était possible, elle ne déboucherait que sur la pire des dictatures contre les couches populaires.