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- Lutte ouvrière n°2018
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Leur société
Bayrou pour la suppression de l'ENA : Et qu'est-ce que ça changerait ?
Bayrou, candidat qui s'est autoproclamé " antisystème ", veut supprimer l'École Nationale d'Administration (ENA) car, dit-il, il y a " une connivence perpétuelle entre les différents partis qui sont installés au pouvoir, les puissances financières, économiques, qui sont leurs amis de classe et leurs amis de caste ".
Quelle découverte ! Il aura fallu à Bayrou vingt-cinq ans de vie politique pour se rendre compte que les " grands serviteurs de l'État " sont en fait les grands serviteurs de la bourgeoisie, qu'ils passent aisément des cabinets ministériels aux conseils d'administration, de la Chambre des députés à la direction des grands groupes privés, de l'administration de l'État à celle du capital.
Pourtant, contrairement à ce qu'affirme Bayrou, la " connivence " qui existe entre par exemple Giscard, Chirac, Jospin et les grands patrons comme Seillière, ne vient pas du fait qu'ils ont usé ensemble leurs costumes trois-pièces sur les bancs de la même école, mais du fait qu'ils servent la même classe sociale. Bayrou lui-même, Sarkozy et Parisot, qui a succédé à Seillière à la présidence du Medef, n'ont pas fait l'ENA, mais ils servent le grand patronat avec le même dévouement. D'ailleurs, avant la création de l'ENA en 1945, la situation que fait semblant de dénoncer Bayrou était la même.
La bourgeoisie ne domine pas l'État et la société par la magie des diplômes et du copinage mais par sa puissance sociale, sa richesse, la conscience de classe que lui donne une longue tradition de domination.
Bayrou propose de remplacer l'ENA, pour faire semblant de se montrer différent de ce sérail et pour cultiver son image de rebelle de fraîche date. Ainsi l'ENA changerait de nom et deviendrait l'École de la haute administration. Le changement, évidemment dérisoire, ne transformerait pas les hauts fonctionnaires en représentants de la collectivité. Mais apparemment cela suffirait à Bayrou pour dire qu'il fait du neuf.