Euthanasie : Justice et barbarie sociale22/03/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/03/une2016.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Euthanasie : Justice et barbarie sociale

La cour d'assises de Périgueux vient de juger la médecin et l'infirmière accusées d'avoir provoqué la mort d'une malade. La première a été condamnée à un an de prison avec sursis, sans inscription au casier judiciaire, la seconde a été acquittée.

À l'hôpital de Saint-Astier, en Dordogne, elles voyaient souffrir cette femme atteinte d'un cancer en phase terminale qui avait demandé à ce qu'on l'aide à mourir. L'infirmière, qui lui a fait l'injection létale, a parlé d'" un geste d'humanité ". Quant à celle qui était le médecin traitant de la patiente depuis des années, elle a caractérisé son acte " comme relevant de sa responsabilité de médecin ". Le parquet, lui, a voulu y voir un crime d'empoisonnement.

À l'audience, le fils, le mari, des proches de la défunte ont dit comprendre les accusées, voire les ont remerciées, en demandant qu'elles soient acquittées. Cela a poussé dans le sens d'un verdict clément, même si le procureur, au nom du respect d'une loi en retard sur l'évolution de la société, avait appelé les jurés à refuser l'acquittement.

Mais pourquoi donc ? Tout le monde sait bien que des médecins et des infirmières sont forcément amenés - à la demande des malades, des familles, ou de leur propre initiative - à abréger les souffrances de patients qui souhaitent en finir et pour lesquels il n'y a plus d'espoir. Juste avant ce procès, 2 000 médecins avaient d'ailleurs publié un appel à la dépénalisation de l'euthanasie, en disant l'avoir pratiquée dans le cadre de leur activité.

On se souvient de Vincent Humbert, ce jeune tétraplégique réclamant à Chirac " le droit de mourir " que des médecins et la loi lui refusaient. Après sa mort, la justice s'était retournée contre sa mère et le praticien qui l'avait aidée. Ils n'avaient heureusement pas été condamnés et cela avait eu pour résultat le vote, en 2005, d'une loi instaurant un tel droit à laisser mourir.

Cela a représenté un progrès certain, mais limité. Et des voix réclament que la loi évolue vers une dépénalisation de l'euthanasie, comme ce qui existe en Belgique, en Suisse ou aux Pays-Bas. Cela éviterait au moins de traîner devant les tribunaux des hommes et des femmes quand tout montre qu'ils n'ont agi que pour des raisons humanitaires.

Mais aucune loi, aussi bonne soit-elle, ne pourra par elle-même résoudre ce qui est un difficile problème humain. Car la société dans laquelle nous vivons, et mourons, est bien incapable d'apporter des solutions vraiment humaines à nombre de problèmes.

S'agissant des malades en fin de vie, loi ou pas, il faudrait multiplier les rares unités de soins palliatifs, prévoir en nombre suffisant et mieux former le personnel chargé d'y accueillir les malades, mais aussi leurs proches... toutes choses qui vont à rebours des politiques d'économies imposées depuis des années dans la santé publique.

La difficulté de légiférer en ce domaine serait d'établir qui trancherait, et selon quels critères, des conditions dans lesquelles il serait licite de mettre un terme aux souffrances d'un malade incurable. Le patient lui-même n'a souvent plus les moyens de mettre fin à ses jours. Quant au corps médical, la décision ne peut et ne doit pas reposer sur lui seul. Et pour la famille, c'est une décision lourde à prendre. D'autre part, les relations familiales, comme toutes les autres relations sociales dans un monde régi par l'argent, ne sont pas exemptes de considérations égoïstes, voire d'héritage, qui peuvent se dissimuler sous une fausse compassion pour le malade.

Même une loi qui s'entourerait de toutes les garanties sur la façon dont la décision serait prise n'assurerait pas que, dans tous les cas, le malade serait soigné aussi longtemps et aussi bien qu'il pourrait l'être.

Mais en attendant, comme souvent, la société laisse des problèmes sans les résoudre, parfois même les aggrave sous la pression des lobbies réactionnaires et religieux. Les malades, les soignants, les familles doivent alors se débrouiller comme ils peuvent. Et s'ils prennent sur eux, comme les deux soignantes de Saint-Astier, il se trouve des gardiens d'une morale retardataire pour leur jeter la pierre.

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