La Légion d'honneur de Papon, avec laquelle il a revendiqué de se faire enterrer, remue, bien plus qu'elle ne le mérite, les médias et le monde politique. Mais ce qui est choquant, c'est qu'on la lui ait donnée. Cela relativise beaucoup la valeur de cette récompense symbolique.

Qu'on l'enterre avec ou pas, il le sera surtout avec les fantômes des 1500 Juifs qu'il a contribué à déporter, faits pour lesquels on l'a condamné à dix ans de réclusion dont il n'a fait que trois ans " pour raison de santé ". Mais il y a aussi les fantômes de plusieurs centaines d'Algériens massacrés lors d'une manifestation, interdite mais cependant pacifique, le 17 octobre 1961, ainsi que des neuf manifestants communistes tués par sa police au métro Charonne le 8 février 1962.

Bien que le tribunal qui l'avait condamné lui ait interdit de porter cette décoration, il a continué de le faire. Les jugements de justice sont plus efficaces pour expulser de chez lui un malheureux qui a un retard de loyer que pour imposer à Papon d'obéir aux jugements de cour.

En tout cas, pour s'en tenir au strict problème de sa Légion d'honneur, si on l'enterre avec, je ne sais pas si beaucoup de ceux à qui on l'a attribuée pour de bonnes raisons accepteront encore de la porter, ce qui leur ferait partager, par ses fautes, avec Papon cette décoration rouge... de sang.

Arlette LAGUILLER, le 19 février 2007.