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Guinée Conakry : Vers une révolte généralisée?
En Guinée Conakry les opposants à la dictature n'auront pas attendu l'appel des syndicats à reprendre la grève générale, le 12 février, pour protester contre Lansana Contè, le dictateur, qui s'accroche au pouvoir et vient de décréter la loi martiale et l'état de siège.
Dès le 9 février, ils étaient dans la rue par milliers, réclamant la démission du nouveau Premier ministre et celle du dictateur. Les syndicats se sont joints à cette protestation contre laquelle l'armée a tiré, faisant plus de 23 morts.
La population guinéenne a ressenti la nomination d'Eugène Camara au poste de Premier ministre comme une nouvelle provocation du pouvoir. Camara est un vieux cheval de retour, plusieurs fois ministre depuis 1997, homme-lige de Contè. La jeunesse, première victime du chômage, a répondu par de nouvelles manifestations à ce qu'elle considère comme une «trahison» des accords de janvier qui prévoyaient la nomination d'un Premier ministre «indépendant du pouvoir». À cela s'ajoute le non-respect de l'accord sur le paiement intégral des salaires. Dans certaines entreprises, les patrons refusent de payer, comme à la CBK (Compagnie des bauxites de Guinée) et à Ingelec, menaçant de licenciement les grévistes. La révolte s'est répandue comme une traînée de poudre et s'est généralisée.
Dès le soir du 9 février, la jeunesse affrontait la police et l'armée, avec pour seules armes des pierres et des bâtons. Le lendemain des dizaines de jeunes saccageaient la résidence du nouveau Premier ministre. À Conakry, les élèves et les étudiants érigeaient des barricades. À Kindia, dans l'ouest du pays, la répression faisait sept morts. Les maisons de plusieurs ministres ont été mises à sac tandis que plusieurs bâtiments officiels étaient pris d'assaut et des gendarmeries incendiées.
Les émeutes et les heurts violents avec les forces de l'ordre ont continué les jours suivants. La détermination des masses pauvres a été alimentée par des années d'oppression, d'humiliation, de spoliation. Depuis des mois, la population manifeste pour protester contre la vie chère, la misère et la corruption. La grève de ce début 2007 vient après les grèves générales massives de mars et juin 2006.
Le mouvement semble gagner chaque jour du terrain dans les classes pauvres. La jeunesse scolarisée ou non des villes, les masses ouvrières et paysannes qui ont affronté la répression et les balles de la dictature, ne peuvent pas se contenter de déléguer aux organisations syndicales et aux partis d'opposition la défense de leurs intérêts. Certes, sous la pression du mouvement populaire, ces derniers appellent aujourd'hui à la démission du dictateur par la grève générale, mais certains de ces dirigeants -et non des moindres- ont déjà participé au pouvoir tandis que d'autres aspirent à y participer à leur tour avec les mêmes militaires, les mêmes tortionnaires. Les ouvriers et les paysans guinéens ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour défendre leurs intérêts.