Grande-Bretagne - Chômeurs, précarité : Ségolène Royal et Sarkozy admirent Blair16/02/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/02/une2011.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - Chômeurs, précarité : Ségolène Royal et Sarkozy admirent Blair

Ségolène Royal avait déjà fait connaître son admiration pour le gouvernement Blair. Sarkozy, en visite en Grande-Bretagne le 30 janvier, a tenu à ne pas être en reste, visitant une agence de l'emploi pour y vanter le «succès» de Blair face au chômage, preuve, selon lui, que «le plein emploi est possible».

Sarkozy s'est bien gardé de préciser le véritable contenu de ce «succès». Le taux de chômage britannique (5,5% de la population en âge de travailler) est bien inférieur à celui de la France, non pas tant parce que les chômeurs y sont moins nombreux, mais parce qu'une grande partie d'entre eux ne figurent plus dans les statistiques.

Après leur retour au pouvoir, en 1997, les travaillistes ont entrepris d'accentuer le caractère répressif de l'indemnisation du chômage. D'abord, les prolongements exceptionnels d'indemnités au-delà des six mois auxquels chacun avait droit furent supprimés. Puis vinrent les «conseillers individuels». Sous prétexte «d'aider» les chômeurs, ces conseillers multiplièrent les pressions pour les amener à prendre le premier emploi venu, fût-ce pour quelques heures par semaine au salaire minimum.

Avec la réforme de l'aide sociale qui suivit, les allocations destinées auparavant aux foyers les plus pauvres disparurent. Elles furent remplacées par des allocation réservées aux seuls foyers dont un membre au moins avait du travail. En même temps, les chômeurs se virent signifier l'obligation de prendre le premier «emploi» venu, précaire ou pas, sous peine de perdre leurs indemnités.

Pour le patronat, l'opération était tout bénéfice. Il avait ainsi à sa disposition un vaste pool de «bouche-trous» potentiels pour faire face aux à-coups de production, qu'il pouvait payer au salaire minimum. Cela entraîna la multiplication des emplois précaires, non seulement à mi-temps, mais de quelques heures par semaine, voire sans horaire, en astreinte permanente (comme les contrats «zéro heure» de certaines chaînes de fast-food).

Un nombre croissant de chômeurs se sont ainsi retrouvés à faire quelques heures ici ou là, pour toucher l'équivalent des allocations chômage grâce à l'aide sociale. Ces heures ne suffisent pas à les sortir de leur condition de chômeurs, mais elles suffisent à les sortir des statistiques. D'autant que pour ces précaires, il n'est plus question d'aller pointer au chômage lorsqu'ils se retrouvent totalement sans travail, car ils ne parviennent que rarement à cumuler assez d'heures au cours du mois écoulé pour avoir droit à des indemnités.

Tel est le principal mécanisme par lequel le gouvernement Blair a «résorbé» le chômage en Grande-Bretagne. Pour parfaire l'illusion, toute une série de manipulations statistiques sont mises en oeuvre. L'une, par exemple, considère comme «employé» quiconque a effectué au moins une heure d'activité salariée dans la semaine écoulée, tandis que ne sont comptés comme «chômeurs» que ceux qui n'ont eu aucun travail salarié pendant quatre semaines!

Au total, entre le million de chômeurs indemnisés, les 800 000 chômeurs considérés comme tels mais qui ont épuisé leurs droits, les chômeurs de plus de 50 ans classés en invalidité par les services sociaux (autour de 600000) et les travailleurs en grande précarité (estimés à un quart des 8 millions de temps partiel), on arrive à un total de chômeurs réels autour de 4,5 millions, supérieur à ce qu'il était en 1997.

Un exemple tout récent parle plus que bien des statistiques. Selon une étude des syndicats de l'automobile, sur les 6000 ouvriers licenciés de l'usine Rover de Longbridge, lors de sa fermeture il y a deux ans, 1500 n'ont toujours aucune forme d'emploi. Et sur les 4500 qui ont trouvé du travail, un millier survivent dans des emplois précaires payés au salaire minimum.

Dans la Grande-Bretagne de Blair, ce n'est pas le «plein emploi», c'est la précarisation plein pot. Mais en fait, c'est bien cela que Sarkozy, et aussi le Medef, envient tant à Blair.

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