Celui qui est ouvertement au service du grand patronat et celle qui n'ose pas y toucher16/02/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/02/une2011.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Celui qui est ouvertement au service du grand patronat et celle qui n'ose pas y toucher

Ségolène Royal a tenu à affirmer, dans son discours-programme, qu'elle s'adressait à tous les Français sans exception. Mais il est impossible de satisfaire tout à la fois les exigences du grand patronat et celles des classes populaires.

Ségolène Royal dit vouloir réconcilier les Français avec les entreprises. Mais elle ne dit rien de la façon dont elle compte réconcilier les entreprises avec les Français, les obliger à consacrer aux investissements créateurs d'emplois les profits extravagants qu'elles réalisent.

Elle a dénoncé «le règne sans frein du profit financier», considérant insupportable que «la moitié des salariés du privé touchent moins de 1400 euros par mois, que 4 millions de salariés sont payés au smic au bout de 20 à 30 ans de travail». Allait-elle dénoncer les responsables des bas salaires, les patrons? Non, pour elle, c'est «comme une forme moderne de malédiction». Que propose-t-elle pour y remédier? Le smic à 1500 euros, sans préciser s'il s'agit du net ou du brut, et des augmentations de salaires négociées par la suite. Mais rien que pour rattraper le retard pris par le pouvoir d'achat, il faudrait une augmentation immédiate de 300 euros pour tous!

Elle se déclare pour un plan de rattrapage des petites retraites, en annonçant généreusement 5% de relèvement. Les retraités qui devront, même compte tenu de cette augmentation, vivre avec 658,35 euros par mois, auront de quoi être reconnaissants jusqu'à leur mort à Ségolène Royal!

En revanche, elle maintient les 65 milliards d'aides que l'État consacre aux entreprises, plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Tout au plus a-t-elle l'intention d'augmenter la part qui est consacrée à la recherche.

Tout en dénonçant l'état catastrophique du logement, elle propose la construction de 120000 logements par an. À ce rythme, pour satisfaire les quelque un million deux cent mille personnes déjà en listes d'attente pour un logement social, il faudra dix ans, sans parler des trois millions de mal-logés!

Pour les jeunes, elle propose «les emplois-tremplins que les régions ont mis en place avec un objectif de 500000 emplois-tremplins». Cela ressemble aux emplois-jeunes qui ont, certes, dépanné quelques jeunes mais qui n'ont jamais été pérennisés. «Emplois-tremplins» veut bien dire ce que cela veut dire, le tout est de savoir où on tombe après avoir sauté. En outre, Ségolène Royal n'a pas dit si l'État financera ce projet ou en imposera le financement aux Régions.

Devant la grande misère de l'Éducation nationale dans les quartiers populaires, elle propose «le soutien scolaire gratuit» confié à «un corps nouveau de répétiteurs» alors qu'il faudrait embaucher le nombre d'enseignants nécessaire et construire les locaux indispensables pour assurer une éducation adaptée pour tous.

Il y a certes la promesse de la gratuité totale des soins pour les moins de 16 ans et la contraception gratuite pour les femmes de moins de 25 ans. C'est déjà ça, mais c'est une mesure prudente pour ne rien coûter au patronat!

Sur les problèmes essentiels des classes populaires, le chômage, le pouvoir d'achat, il n'y a rien qui puisse réellement changer l'avenir, aucun engagement concret. Ce n'est pas un programme, c'est d'abord une simple description et, pour l'avenir, une incantation!

Les classes populaires ont toutes les raisons de rejeter Sarkozy, dont le programme se résume à des attaques contre le monde du travail, comme le nouveau contrat qui donne aux patrons toute possibilité de licencier comme ils veulent, les restrictions au droit de grève, les suppressions d'emplois dans les services publics. Mais elles ne peuvent pas espérer de Ségolène Royal la fin du chômage, des salaires corrects et le fonctionnement convenable des services publics, même si elle tient ses promesses. Ce qui reste à prouver et, peut-être à imposer.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 12 février

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