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Dans le monde
Mexique : La spéculation retire le pain de la bouche de la population
Mercredi 31 janvier, aux cris de «Souveraineté alimentaire» ou «Tortilla oui, PAN non!» (un jeu de mots sur le «pain» en espagnol, qui est aussi le nom du parti de l'actuel président), des dizaines de milliers de personnes, agriculteurs ou ouvriers, ont manifesté dans les rues de Mexico. Ils protestaient contre le doublement du prix du maïs, la base de la nourriture des classes populaires, puisqu'il sert à confectionner des galettes de maïs, les tortillas.
Le renchérissement du prix du maïs a pour origine la spéculation qui frappe cette céréale depuis que des grands groupes capitalistes se sont avisés des profits qu'ils pourraient tirer de l'éthanol, biocarburant qui peut être fabriqué à partir du maïs. Cela fait suite à une déclaration de Bush, l'an dernier, annonçant un plan de subvention de l'éthanol. Cela a suffi, après des années de stagnation, pour que le prix du maïs grimpe en flèche.
La production effective d'éthanol est encore modeste, mais les hommes d'affaires qui spéculent sur le marché des grains sont excités par cette possibilité de profits nouveaux. Et le Mexique est d'autant plus dépendant de ce mouvement spéculatif que les vagues de privatisations ont entraîné des rachats de grandes propriétés terriennes par les groupes de l'agro-alimentaire. Certains d'entre eux produisent du maïs uniquement pour l'exportation, tandis que les exploitations plus traditionnelles ont des rendements très inférieurs. Résultat: le Mexique, qui était autosuffisant en maïs jusqu'au milieu des années soixante-dix, en importe près de 7 millions de tonnes par an pour sa consommation. Et plus il s'agit de l'acheminer dans des régions isolées, plus cela coûte cher, parfois jusqu'au triple du prix antérieur.
Les travailleurs mexicains doivent donc désormais consacrer jusqu'au tiers du salaire minimum pour l'achat des tortillas de la famille. De plus, la hausse des prix s'étend maintenant à d'autres produits de première nécessité, le lait, les oeufs, le sucre et le poulet. On comprend leur colère.
Le président du Mexique, Felipe Calderon, en est réduit à dénoncer les petits trafiquants ou à signer des accords de modération des prix avec les entreprises du secteur... qui ne les respectent pas. Mais il ne propose même pas de restaurer l'encadrement du prix du maïs qui existait dans le passé. Il n'est pas non plus question pour lui de s'en prendre aux grandes entreprises de l'agro-alimentaire, étrangères ou mexicaines, qui sont les grandes manipulatrices de cette flambée des prix. Et voilà comment les magouilles d'une poignée de financiers peuvent aboutir à affamer toute une population.