Avec un «ami» comme Sarkozy, les travailleurs n’ont pas besoin d’ennemis31/01/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/02/une2009.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Avec un «ami» comme Sarkozy, les travailleurs n’ont pas besoin d’ennemis

«Je veux redonner au beau mot de travailleur le prestige qu'il a perdu...» Sarkozy, qui vient de prononcer ces fortes paroles, sait choisir ses mots: c'est du prestige qu'il promet, pas une hausse des salaires... Mais enfin, depuis quelques jours, il veut convaincre qu'il les aime, les travailleurs! À en juger par la politique du gouvernement dont il fait partie, il les aime surtout bien exploitables. Les gouvernements Raffarin et Villepin, pendant les cinq ans de leur pouvoir, sont certainement parmi ceux qui ont porté le plus de coups aux travailleurs.

L'âge de la retraite repoussé, les pensions diminuées, l'assurance-maladie affaiblie, la précarité généralisée, voilà quelques hauts faits d'armes de ces gens qui, aujourd'hui, ont le culot de se présenter en amis des travailleurs.

Et ce n'est pas fini. Sarkozy promet un contrat de travail unique calqué sur le CNE, c'est-à-dire autorisant les patrons à licencier comme ils veulent pendant deux ans. Un de ses seconds couteaux, Xavier Bertrand, promet une limitation du droit de grève. Sans parler des suppressions d'emplois dans la fonction publique également annoncées, ce qui signifiera en clair moins d'enseignants, moins de postiers, moins d'infirmières.

Mais, promis-juré, l'«augmentation du pouvoir d'achat» sera sa «priorité de politique économique après vingt-cinq ans de sacrifice». Comment? Par les heures supplémentaires. En somme, si vous voulez gagner un salaire à peu près convenable, vous n'avez qu'à faire des heures supplémentaires. Pour les travailleurs que Sarkozy aime tant, c'est le droit de se crever au travail pour avoir un salaire à peu près normal. Et pour le patron, c'est le droit de ne payer aucune charge sociale sur la part du salaire censée payer les heures supplémentaires. C'est un beau cadeau, mais il est pour les patrons. C'est un encouragement pour les inciter à allonger la journée de travail de leurs effectifs déjà embauchés plutôt que d'embaucher du personnel supplémentaire... si toutefois ils en ont besoin: car de toute façon ce sont eux qui décident, pas leurs travailleurs. Et, accessoirement, ces heures supplémentaires sur lesquelles on ne paie pas de cotisations sociales ne sont pas comptées pour la retraite.

Ces discours destinés à séduire le monde du travail, c'est, bien sûr, du cynisme, venant de la part d'un homme comme Sarkozy. Mais s'il ose draguer des électeurs jusques y compris dans la fraction la moins consciente de l'électorat populaire, c'est parce que la gauche, lorsqu'elle a été au pouvoir, a mené une politique tellement éloignée des intérêts des classes populaires qu'elle a déçu et dégoûté son propre électorat.

Aux travailleurs, les phrases; aux patrons, les espèces sonnantes et trébuchantes. Un document officiel, dont le quotidien Le Figaro a publié les conclusions, chiffre à 65 milliards d'euros les «aides publiques aux entreprises», c'est-à-dire les sommes versées à fonds perdus à leurs propriétaires et actionnaires. Cette somme représente plus que le budget de l'Éducation nationale, à peu près autant que le total des dépenses hospitalières et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Autant dire que ces «aides aux entreprises», qui sont devenues le premier poste de dépenses de l'État, sont prises sur de l'argent qui devrait être consacré aux services publics, aux hôpitaux, à l'Éducation nationale.

Alors, pour les faire reculer sur cette politique qui vide les poches des travailleurs pour remplir les coffres-forts des actionnaires, il faudra l'action collective de tous ceux qui en souffrent. Mais puisque élection présidentielle il y a dans moins de trois mois, il faudra au moins que l'électorat populaire exprime, en se prononçant pour les idées que je défends, qu'il en a assez de cette politique et qu'il n'acceptera pas qu'elle continue, quel que soit le nom de celle ou celui qui s'installera à la présidence de la République.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 29 janvier

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