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- Lutte ouvrière n°2007
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Dans le monde
Argentine : L’ex-présidente Isabel Peron sera-t-elle jugée ?
L'ancienne présidente argentine, Isabel Peron, a été rattrapée par la justice, trente ans après avoir été chassée du pouvoir par le coup d'État militaire de 1976.
Mise en cause dans la disparition d'un opposant pendant son règne, elle a été arrêtée à Madrid vendredi 12 janvier, pour être remise en liberté provisoire le lendemain par les autorités espagnoles, qui ont pris en compte sa double nationalité, espagnole et argentine, son âge (75 ans) et sa mauvaise santé. Les conclusions de l'affaire Papon feraient-elles école en Espagne, avant même qu'il y ait un jugement -si jugement il y a un jour?
L'ancienne présidente de l'Argentine de 1974 à 1976 est poursuivie pour la disparition d'un opposant après son arrestation le 25 février 1976, un mois avant le coup d'État militaire. Le juge argentin qui la poursuit estime qu'il y a eu du terrorisme d'État bien avant le coup d'État. En effet, si les militaires ont régné d'une main de fer de 1976 à 1983, multipliant assassinats et disparitions d'opposants (30000!), les crimes de l'extrême droite avaient commencé bien avant.
D'ailleurs, si la bourgeoisie avait accepté, en 1973, le retour de Juan Domingo Peron à la tête du pays après dix-huit ans d'exil, c'était pour tenter de mettre un terme à l'instabilité politique grandissante. Depuis la fin des années soixante, marquées par la montée de la combativité ouvrière, les tensions sociales s'exacerbaient. Une partie de l'extrême gauche s'était lancée dans la guérilla urbaine. Et même au sein du parti péroniste différentes fractions s'affrontaient, avec d'un côté les milieux proches des possédants, anticommunistes et réactionnaires, l'entourage de Peron et de sa femme, et de l'autre les Montoneros, aile radicale du péronisme, elle aussi séduite par les méthodes de la guérilla, alors en vogue.
Le jour même de l'arrivée de Peron, débarqué de l'avion à l'aéroport de Buenos Aires, la foule pacifique venue saluer le retour de celui dont elle associait le nom à la période de relative prospérité qui avait suivi la Seconde Guerre mondiale, fut accueillie par une fusillade qui visait les Montoneros, trop remuants au goût des cadres péronistes.
Peron peina à remplir sa tâche. Après son décès, en 1974, sa troisième femme, Isabel, qu'il avait fait élire vice-présidente, lui succéda. Elle avait comme conseiller José Lopez Rega, qui était aussi le dirigeant de la «Triple A», l'Alliance anticommuniste argentine, organisation d'extrême droite composée de militaires et de voyous qui s'était fait une spécialité d'assassiner des ouvriers combatifs, des militants d'extrême gauche, des avocats défenseurs des droits de l'Homme, des guérilleros ou des Montoneros. Bien avant le coup d'État, plusieurs centaines d'opposants furent ainsi assassinés et les noms de centaines d'autres s'inscrivirent au début de la liste de ceux qu'on allait appeler ensuite les «disparus».
À la fin de la dictature, en 1983, les milieux politiques commencèrent par juger les crimes des militaires, puis aboutirent à des lois les rendant intouchables. La seule faille restait les crimes commis contre les enfants des militants, ce qui conduisit à la mise aux arrêts à domicile de quelque 150 cadres de l'armée. Finalement, l'actuel président Nestor Kirchner, en quête de crédit politique, a effacé les lois protégeant l'armée, sans que cela déclenche pour autant une relance des procès des années quatre-vingt. La disparition depuis quatre mois d'un témoin, qui devait témoigner contre des militaires, a aussi indiqué que les milieux de l'armée n'ont pas rompu avec les méthodes de la sinistre «Triple A».
Quant aux poursuites lancées contre Isabel Peron, le président Kirchner s'y est d'autant moins opposé qu'elles ont plus de chances de s'enliser que d'aboutir.