Calais : La misère du Tiers Monde en transit.03/01/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/01/une2005.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Calais : La misère du Tiers Monde en transit.

Dans la nuit du 25 au 26 décembre, une vingtaine de migrants pakistanais ont été agressés alors qu'ils dormaient tant bien que mal, par une nuit glaciale, dans un terrain vague sous des plastiques et des couvertures, près du centre de Calais. Plusieurs ont été blessés à coups de couteaux et de barres de fer, et quatre sont à l'hôpital, dans un état grave.

La police parle d'une attaque d'autres migrants clandestins et d'une lutte pour les meilleures places de "passage" vers l'Angleterre aggravée en cette période de fêtes par la diminution du fret. C'est possible, car il y a de nombreux trafiquants sans scrupules qui cherchent à s'enrichir sur la misère des autres et qui sont prêts à tout pour cela. Mais il sera difficile de savoir la vérité. La peur impose la loi du silence et de toute façon, ce n'est sûrement pas à la police que les migrants viendront se confier ni expliquer leurs difficultés.

Car ils sont tout autant harcelés par la police, si ce n'est plus : en 2005, 22000 interpellations ont été effectuées et 1400 personnes ont été renvoyées en avion. Ce sont les chiffres donnés par la police elle-même. Car elle cherche à "faire du chiffre" . Depuis la venue de Sarkozy en octobre 2005, les contrôles ont même été encore renforcés. Le ministre de l'Intérieur qui chasse les voix de Le Pen en spéculant sur les préjugés anti-immigrés a exigé plus d'interpellations. Il a augmenté les effectifs de répression : à Calais, 530 agents sont affectés à la lutte contre l'immigration clandestine. Pour une population de migrants qui va selon les estimations, de 300 à 500 personnes présents chaque jour, dont des femmes et des enfants. En comparaison, une journaliste faisait remarquer récemment qu'il y avait 210 policiers affectés à la "sécurité" des 75000 calaisiens !

La visite de Sarkozy a aussi encouragé l'usage de la force et les matraquages sont fréquents. Les gaz lacrymogènes sont souvent utilisés pour obliger les migrants à sortir de leurs abris de fortune. Ces abris sont vidés et démolis régulièrement. L'argument officiel du sous-préfet de Calais, c'est qu'il cherche ainsi à décourager de futurs postulants au passage en Angleterre. Il a même déclaré récemment que "zéro passage, c'est le meilleur moyen de dissuader les tentatives" . Pour la fermeture du centre d'hébergement de Sangatte, il y a 4 ans, c'était déjà le même argument qui avait servi.

Mais c'est une absurdité : ceux et celles qui fuient la misère et la répression de leur pays d'origine, ceux qui espèrent une vie moins dure, sont prêts à braver toutes les épreuves. Et la multiplication de ces épreuves ne les dissuade pas. La seule vraie conséquence, c'est d'aggraver considérablement leurs conditions de vie de migrants. En ce moment même, des centaines d'entre eux errent dans Calais et sur la côte à la recherche d'endroits où s'abriter un peu dans la journée. Ils cherchent à échapper au froid, aux contrôles et ne peuvent compter que sur les bénévoles de quelques associations pour avoir un repas ou prendre une douche de temps en temps. La nuit, ils tentent de grimper dans des camions. Et l'exercice est dangereux : un enfant de treize ans est mort il y a deux mois en tombant d'un camion.

Le 13 décembre, le préfet du Pas-de-Calais s'était dit "indigné" à propos des clandestins. Indigné par leurs conditions de vie ? Par l'absence d'hébergement ? Par leur misère et leur dénuement ? Non. Il était indigné par les statistiques les concernant. Il trouvait que les chiffres avancés pour le nombre des migrants étaient trop importants. Il voulait au contraire prouver qu'ils étaient moins nombreux et que la répression portait ses fruits... alors que la réalité est bien différente.

La misère du Tiers Monde s'installe maintenant durablement jusque dans les villes des pays riches. Ce qui gêne ces messieurs du pouvoir, ce n'est pas qu'elle existe. C'est qu'elle se voit...

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