La mainmise des grandes puissances sur l’ONU27/12/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2004.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La mainmise des grandes puissances sur l’ONU

Bien avant que la charte des Nations unies soit adoptée en juin 1945, le président américain Roosevelt et le Premier ministre britannique Eden avaient constitué un directoire pour jouer le rôle de «gendarme du monde». C'était l'ébauche de ce qui allait devenir le Conseil de sécurité de l'ONU. Pour les États-Unis, ce directoire devait comprendre, outre eux-mêmes, la Grande-Bretagne, l'URSS et la Chine.

Les modalités du droit de veto, dont seuls bénéficient les membres permanents du Conseil de sécurité, furent arrêtées à la conférence de Yalta (1945), au détriment des autres nations, à qui il ne fut permis que de siéger à titre provisoire par roulement, à six puis à dix à partir de 1965. La discussion sur la composition du Conseil de sécurité permit à la France, qui comptait si peu qu'elle n'avait été invitée à aucune des conférences préparatoires, d'y entrer in extremis.

Le droit de veto est une chose mais en pratique les grandes puissances savent regarder ailleurs, quand il le faut, pour laisser chacun agir à sa guise dans sa sphère d'influence. Ainsi, le 25juin 1950, l'URSS prit prétexte que c'était la Chine de Tchang Kaï-chek qui siégeait au Conseil de sécurité au lieu de celle, toute nouvelle, de Mao Zedong, pour ne pas siéger ce jour-là... et ainsi ne pas avoir à se prononcer sur l'intervention américaine en Corée, entérinée par neuf voix pour et une abstention (la Yougoslavie).

Les petites et moyennes puissances peuvent tout au plus délibérer sur les questions prévues par la charte et les ratifier en assemblée générale, mais cette assemblée ne dispose d'aucun moyen de contrainte et ne peut formuler que des recommandations. Et encore, celles-ci sont limitées par le Conseil de sécurité. Lorsque celui-ci est saisi d'un conflit, «l'assemblée générale ne doit faire aucune recommandation (...) à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande». Le pouvoir est donc entre les mains des membres permanents du Conseil de sécurité, qui peuvent, seuls, décider de sanctions économiques ou d'interventions militaires. L'assemblée générale n'a qu'un droit dérisoire, celui de la «condamnation morale»...

Quant au secrétaire général, il n'a pas le statut d'homme d'État, il n'est que «le plus haut des fonctionnaires», c'est-à-dire le chef des exécutants de décisions prises par d'autres. Tout au plus peut-il «attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui (...) pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale». C'est ainsi que Kofi Annan a soulevé la question du Darfour en déclarant qu'«à en juger par ce qui se passe au Darfour, la performance [de l'ONU] ne s'est guère améliorée depuis les désastres de la Bosnie et du Rwanda».

De plus, si le secrétaire général est élu par l'assemblée générale, c'est le Conseil de sécurité qui le propose. Enfin, autour du secrétaire, les grandes puissances se répartissent les différentes responsabilités, au terme d'une discrète mais bien réelle foire d'empoigne, qui fait rage actuellement autour de Ban Ki-Moon.

Celui-ci sera le neuvième secrétaire général de l'ONU. Traditionnellement, le titulaire du poste est choisi, comme un lot de consolation, parmi les nations de second ou de troisième rang (Norvège, Suède, Birmanie, Autriche, Pérou, Égypte, Ghana et bientôt Corée du Sud). Sauf le Suédois Dag Hammarskjold, mort en 1961 dans un accident d'avion, et l'Égyptien Boutros Boutros-Ghali, débarqué au terme d'un premier mandat pour ne pas s'être montré assez pro-israélien, les secrétaires généraux siègent généralement pour deux mandats, soit dix ans. Même l'Autrichien Kurt Waldheim, choisi pour sa souplesse d'échine, au point que les grandes puissances se soient tues sur son passé d'officier de renseignement en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale, qui ne fut révélé que plus tard, après son arrivée à la tête de l'État autrichien.

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