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Dans le monde
Union européenne : Les industriels contrôlent... leurs profits
Une réglementation -appelée REACH- concernant les substances chimiques a été adoptée le mercredi 13 décembre par les parlementaires européens. En fait, cela fait huit longues années que les autorités européennes discutent d'un projet visant à contrôler les 100 000 substances chimiques produites dans l'Union.
Cette initiative était censée faire adopter par l'Europe une législation sur tous les produits chimiques, protectrice des consommateurs et de la santé publique, visant à assurer la sécurité des travailleurs et à respecter l'environnement.
En effet les industriels ont mis progressivement sur le marché des dizaines de milliers de substances sans jamais en étudier les conséquences, en particulier sur la santé humaine.
Les consommateurs ne connaissent que très partiellement la toxicité des produits chimiques, de même que bien des travailleurs en contact direct avec des produits dangereux. Certains sont cancérigènes, allergènes, provoquent des maladies graves et parfois mortelles, ou portent atteinte à la fertilité.
Les industriels, en déversant rapport sur rapport, ont prétendu qu'une législation trop contraignante sur leur production leur coûterait trop cher et provoquerait des milliers de licenciements en Europe. À maintes reprises, ils ont eu le secours des gouvernements. Par exemple en septembre 2003 Jacques Chirac, Gerhard Schröder et Tony Blair avaient exigé, en parlant de ces directives, «de ne pas porter atteinte à la compétitivité européenne».
Au bout du compte, le lobbying des industriels a payé et a convaincu les eurodéputés d'être «réalistes». Ceux-ci ont largement édulcoré les premiers textes, qui pourtant n'étaient pas trop méchants pour les industriels.
Par exemple, seules les substances chimiques fabriquées à plus d'une tonne par an seront concernées par la loi. Et encore! Seules celles produites à plus de 10 tonnes par an devront faire l'objet de rapports sur la sécurité.
Les industriels pourront continuer d'utiliser les substances les plus dangereuses, s'ils prouvent qu'ils n'ont pas d'alternative et si «leur utilisation est valablement maîtrisée». Une contrainte suffisamment vague pour qu'ils puissent continuer à faire ce qu'ils veulent.
De même, dans les faits, il n'y aura que 12000 molécules chimiques évaluées, dans un délai de 11ans, sur les 100 000 produites en Europe, soit environ une molécule sur huit.
Contrôler les substances chimiques, interdire les produits dangereux, serait un impératif élémentaire de sécurité publique. Pour cela, il faudrait ne pas hésiter à aller regarder de plus près ce que les patrons appellent «les secrets de fabrication», et se soucier d'abord de l'intérêt collectif au lieu du tiroir-caisse des industriels. Mais visiblement ceux-ci ont des moyens de pression sur les autorités, y compris le Parlement européen.