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- Lutte ouvrière n°2003
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Dans le monde
Bangladesh : Des profits cousus main
Une ONG britannique, War on Want, vient de rendre public un rapport sur les conditions de travail et de vie des ouvrières du textile dans d'importantes entreprises du Bangladesh. Celles-ci fournissent les vêtements commercialisés notamment dans de grandes chaînes de distribution de prêt-à-porter bon marché. On trouve ainsi chez Wal-Mart, le leader mondial de la grande distribution, ou chez Tesco, le troisième groupe mondial de supermarchés, des vêtements fabriqués par les 5000 ouvrières de six grandes usines textiles de Dacca. Toutes les grandes marques, de H&M à Zara, Nike ou Reebok se fournissent au Bangladesh.
Pour moins de 8 centimes d'euro de l'heure, un peu plus sur certaines machines, c'est un labeur de forçat qui attend ces ouvrières, pendant en moyenne 80 heures hebdomadaires, souvent sept jours sur sept. Il faut parfois encore ajouter 140 heures supplémentaires dans le mois, obligatoires sous peine de licenciement, et souvent non payées. Absence totale de droits, chasse aux syndicats et mépris de la sécurité -au début de l'année, des accidents et incendies ont causé la mort d'au moins 100 travailleurs- le travail dans les grands ateliers textiles de Dacca confine à l'esclavage.
Pour faire croître leurs profits, les géants de la distribution se livrent des guerres commerciales sauvages. Elles sont impitoyables surtout pour les deux millions de pauvres qui survivent difficilement de leur salaire dans le textile bangladais, premier exportateur mondial. Un reportage de TF1 montrait récemment l'une des ouvrières, une adolescente: «Je travaille de 8 heures du matin jusqu'au lendemain matin» disait-elle. Une autre ajoutait: «Il m'est même arrivé de travailler trois jours, nuit et jour sans sortir de l'usine». «Une fois, nous avons fait grève. On nous a battues. Il y avait du sang partout dans l'usine».
En mai et juin derniers, des dizaines de milliers de travailleurs du textile s'étaient mis en grève et rassemblés à Dacca, revendiquant une hausse de salaire. Un pull-over leur est payé 7 takas (10,2 centimes d'euro), ils en réclamaient 11 et exigeaient un jour de congé hebdomadaire. Plusieurs usines furent incendiées, d'autres mises à sac, la police fit trois morts et des centaines de blessés.
Les patrons du textile, qui, au lendemain des manifestations se payaient le luxe de manifester à leur tour pour demander que leurs usines soient mieux protégées de la colère des ouvriers, n'ont cependant ni cédé ni été d'une quelconque manière incités par les autorités gouvernementales à améliorer salaires et conditions de travail.
Au-delà des fringues et des profits, c'est la colère que les capitalistes, nouveaux esclavagistes, fabriquent à travers le monde.