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- Lutte ouvrière n°2002
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Editorial
Travailler plus pour gagner de moins en moins... si on a du travail!
Il n'y a pas besoin d'examiner à la loupe les dernières déclarations de Sarkozy pour ressentir sa haine et son mépris des travailleurs. Il l'a amplement démontré par ses déclarations du genre «nettoyer au Kärcher» les quartiers populaires et surtout par toute l'action du gouvernement dont il fait partie.
Mais, campagne électorale aidant, lorsque Sarkozy s'adresse à son parti ou à ses électeurs, c'est encore plus net. Lors du forum organisé par l'UMP, le week-end des 9 et 10 décembre, on a pu l'entendre partir en guerre contre la «dictature des minorités de grévistes» et proposer qu'au plus tard le huitième jour d'une grève, celle-ci soit soumise au vote secret de tout l'effectif de l'entreprise concernée (bien entendu, non-grévistes et cadres compris).
Que tous les salariés soient soumis à une dictature, réelle celle-là et pas pour trois ou huit jours mais tout le temps, celle du patron, qui pourra encore plus librement supprimer des emplois, fermer une usine ou la délocaliser, pour dramatiques que soient les conséquences, cela ne gêne pas Sarkozy. Mais que des travailleurs se défendent par la grève, il ne l'admet pas. Il est le porte-voix du grand patronat, porte-voix il reste.
Cela dit, il présume de sa force s'il croit que des subterfuges juridiques empêcheront les importants mouvements de la classe ouvrière. Il est des grèves qui emportent tout sur leur passage. L'ancêtre dont il se réclame, De Gaulle, en fit l'expérience. Quelques années après son arrivée au pouvoir, les mineurs se mirent en grève et De Gaulle les réquisitionna. Les mineurs n'en tinrent aucun compte. Pendant les grèves de Mai 68, De Gaulle alla en Allemagne chercher du secours auprès du général Massu, qui n'arrêta rien. Et Sarkozy n'est pas De Gaulle!
Quand Sarkozy s'en prend à la loi des 35 heures, ce n'est pas parce qu'en contrepartie d'une réduction, ô combien limitée et ciblée, des horaires de travail, elle a accordé aux patrons une plus grande flexibilité et le décompte annuel des heures supplémentaires. Non, c'est la simple idée qu'un travailleur puisse ne travailler que 35 heures qui lui donne des boutons: «Si quelqu'un refuse de travailler plus de 35 heures, libre à lui. Cela est respectable. Mais il est profondément injuste que ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus ne puissent le faire.»
«Libre à lui»? Comme si les travailleurs d'une usine ou d'un supermarché pouvaient décider «librement» leur horaire de travail et quitter la chaîne de production ou la caisse de supermarché, une fois accompli leur horaire «librement choisi»!
«Travailler plus pour gagner plus»? Mais il y a près de trois millions de chômeurs à temps complet, sans parler de trois millions de précaires, d'intérimaires, de temps partiels non choisis, qui sont en fait des chômeurs à temps partiel. Comment travailler plus lorsqu'on n'a pas de travail du tout? Sans parler de ce qu'il y a d'inacceptable dans l'idée qu'un travailleur, pour gagner correctement sa vie, doit faire des heures supplémentaires et s'user au travail.
Sarkozy prétend s'inspirer du contrat nouvelles embauches pour un nouveau et futur «contrat unique» pour tous les travailleurs. Ce contrat donnerait aux patrons le droit de licencier comme ils veulent.
Oui, Sarkozy est un homme de droite, ennemi ouvert des travailleurs. Mais on n'a pas entendu Ségolène Royal prendre le contre-pied de Sarkozy. On ne l'a pas entendue s'engager, si elle était élue, à revenir sur toutes les décisions néfastes aux classes populaires prises par le gouvernement de droite actuel.
Alors, la seule conclusion à en tirer, c'est que les travailleurs ne peuvent pas compter sur un changement à la présidence pour se défendre contre le patronat. Il faut qu'ils tapent du poing sur la table, avec suffisamment de force pour que les plus sourds des patrons l'entendent et en soient effrayés.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 11 décembre