Réélection de Chavez au Venezuela : Soutien des masses populaires... et d’une partie de la bourgeoisie07/12/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2001.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Réélection de Chavez au Venezuela : Soutien des masses populaires... et d’une partie de la bourgeoisie

«C'est une autre défaite pour Mister Danger, le diable [il s'agit de George Bush]. Le Venezuela ne sera plus une colonie nord-américaine ni de n'importe quel autre pays», a déclaré Hugo Chavez, vainqueur haut la main de la présidentielle vénézuélienne du 3décembre, avec près de 62% des voix, son meilleur pourcentage par rapport aux élections de 1998 et 2000. Chavez l'a emporté dans tous les États du pays, y compris celui du Zulia, dont le gouverneur Manuel Rosales, qui a obtenu 38% des suffrages, était son adversaire.

L'opposition regroupe pour l'essentiel ceux qui, avant l'arrivée au pouvoir de Chavez, tiraient profit, en partenariat avec les États-Unis, des richesses du Venezuela, et notamment de son pétrole. Peu leur importait que le pillage enrichisse d'abord les compagnies pétrolières américaines du moment qu'ils prélevaient leur dîme. Un pillage dont les grands oubliés, comme dans le reste de l'Amérique latine, étaient toujours les classes populaires.

Quand les possédants qui liaient leur sort à celui du capital US ont compris que Chavez, bien qu'issu des rangs de l'armée, entendait rétablir le contrôle de l'État sur les revenus du pétrole et que, pour se dégager une marge de manoeuvre vis-à-vis des États-Unis, il allait s'appuyer sur les classes populaires en leur abandonnant un peu des revenus de l'État, ils ont tout essayé, avec l'appui des États-Unis, pour le chasser. Mais deux putschs ratés, un recours avorté à un référendum pour le destituer ou leur participation à différentes élections, dont celle-ci, ont échoué.

Chavez continue de fournir les États-Unis en pétrole, mais il a renforcé le poids de l'État sur le secteur pétrolier et finance les différentes «missions sociales» qui ont sensiblement amélioré la vie des déshérités, notamment dans les domaines de la santé (avec l'aide massive de médecins cubains), de l'éducation ou des aides alimentaires. Grâce à cela et à l'organisation de «cercles bolivariens» qui encadrent la population, il a pu trouver un large appui populaire, qui vient à nouveau de s'exprimer dans les urnes.

La presse française, surtout à l'écoute des opposants à Chavez, fait état des «nouveaux riches» que cette situation aurait engendrés, les «bolibourgeois» (par allusion à Bolivar dont se réclame Chavez). Mais parmi les possédants qui prospèrent dans le Venezuela de Chavez, il n'y a pas que des «nouveaux riches». Il y en aussi des anciens pour qui les «missions» ouvertes par Chavez sont sources de profits appréciables. C'est dans la logique du fonctionnement d'un régime qui entend, selon un des ministres, «en finir avec l'exclusion sociale dans le domaine de l'éducation, de la santé, du logement et de la propriété, sans remettre en cause le secteur privé». Banques et entreprises continuent donc de prospérer. Et c'est même un trust US de l'agroalimentaire, Cargill, qui alimente le réseau proposant de la nourriture à bon marché.

Mais la politique sociale de Chavez, même si elle ne remet pas en cause le système capitaliste, revêt un caractère suffisamment exceptionnel sur ce continent pour nourrir aussi les espoirs des 225millions de pauvres d'Amérique latine et peser sur la façon dont la gauche latino-américaine s'adresse à eux.

À l'heure où l'impérialisme américain pouvait espérer qu'avec la maladie de Fidel Castro il serait bientôt débarrassé d'un symbole qui a incarné pendant des années le refus de s'incliner devant sa toute-puissance, la très nette victoire électorale de Chavez montre que les masses d'Amérique latine ne sont pas résignées à subir son joug.

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