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- Lutte ouvrière n°2001
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Editorial
Les fonds publics devraient être au service de toute la population, pas des seuls possédants!
La réélection du président du Venezuela, Hugo Chavez, à une très large majorité, a donné lieu à des commentaires curieux. «C'est facile de devenir populaire -déclarait en substance son principal rival- en développant des oeuvres sociales, sans se soucier d'aider les entreprises.»
Hugo Chavez n'est pourtant pas un adversaire du système capitaliste. Il entend seulement obtenir que le partage des bénéfices pétroliers entre l'État vénézuélien et les trusts pétroliers internationaux (dont le français Total) soit un peu plus favorable au premier. Et pour cela, il a besoin d'un soutien populaire, qu'il a effectivement obtenu en consacrant une partie du budget de l'État, tirée de ces ressources pétrolières, à un programme d'aides sociales, dans le domaine de la santé, de l'éducation, du logement, et en créant des magasins mettant à la disposition de la population pauvre des produits alimentaires de base à prix réduits.
Une bonne partie de la bourgeoisie vénézuélienne trouve d'ailleurs son compte dans la mise en oeuvre de ces programmes sociaux, et Le Figaro du 4 décembre (qu'on ne saurait soupçonner de sympathies anticapitalistes) pouvait titrer sur «Ces patrons vénézuéliens qui votent Hugo Chavez»! Mais si un certain nombre de patrons vénézuéliens soutiennent Chavez, la plupart, et les politiciens à leur service, trouveraient bien plus normal que les ressources de l'État aillent directement dans les caisses du patronat.
C'est aussi ce que pensent bon nombre de commentateurs français. Sur France Inter, un chroniqueur reprenait doctement lundi matin la même argumentation, en expliquant que Chavez sacrifiait peut-être l'avenir en ne consacrant pas à l'aide aux entreprises toutes les ressources tirées du prix actuel du pétrole.
Et ce n'est pas seulement au Venezuela qu'il pensait, mais aussi à la France. Car ici on nous sert tous les jours les mêmes discours sur la prétendue nécessité d'aider les entreprises, par le biais de subventions directes, ou de dégrèvements de cotisations sociales, dans «l'intérêt général», et en particulier pour lutter contre le chômage.
Cela fait aujourd'hui plus de vingt ans que tous les gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur couleur politique, ont multiplié les aides de toutes sortes, ont diminué l'impôt sur les bénéfices des sociétés, les cotisations sociales, sans résultat -car le chômage de masse est toujours là- mais avec comme conséquences un déficit de la Sécurité sociale dont on nous parle beaucoup, et une dette encore plus catastrophique de l'État, dont on nous parle moins.
C'est ainsi que nous nous trouvons dans une situation paradoxale, où les bénéfices des grandes entreprises ne se sont jamais mieux portés, mais où le niveau de vie de la population laborieuse ne cesse de se dégrader, et les services publics (santé, enseignement, transports en commun, etc.) de se détériorer.
Au lieu de faire tous ces cadeaux à un patronat qui ne sait que faire de son argent, et qui ne l'utilise que dans des opérations de rachats et de fusions qui se traduisent à chaque fois par la destruction de milliers d'emplois, l'État ferait mieux de créer directement les emplois qui manquent dans les services publics, de construire les milliers de logements confortables et bon marché nécessaires pour loger décemment tous ceux qui s'entassent dans des appartements trop petits, qui vivent dans des locaux insalubres ou dans des taudis, et ceux qui sont à la rue.
Ce n'est certainement pas sur le candidat de l'UMP lors de la prochaine élection présidentielle, que ce soit Sarkozy ou un autre, qu'il faut compter pour changer cela, car c'est la politique contraire que ce parti mène au gouvernement depuis plus de quatre ans. Mais la candidate du Parti Socialiste, Ségolène Royal, n'a pas pris l'engagement clair et net de mettre les ressources de l'État en priorité au service de la population laborieuse.
Ce serait pourtant la moindre des choses de la part d'une candidate qui voudrait bien recueillir les voix des travailleurs.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 4 décembre