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Leur société
Après les décisions du Conseil constitutionnel : Menaces sur le gaz et l’électricité
Le Conseil constitutionnel vient de prendre deux décisions concernant le gaz et l'électricité. Les médias en ont surtout relevé une: le report de la privatisation de Gaz de France au-delà du 1erjuillet 2007. À cette date, tous les usagers pourront, s'ils le désirent, quitter les tarifs réglementés d'EDF et GDF et choisir d'autres fournisseurs avec les prix du marché. Tant que cela n'est pas fait, EDF et GDF ont une situation de monopole, au moins partiel, et cela s'oppose, selon le Conseil, à leur privatisation.
Cette décision fait suite aux jugements des tribunaux reportant de quelques semaines la privatisation de GDF. Cette fois elle est reportée de sept mois. Et compte tenu du contexte, elle pourrait même être remise en question, puisque le PS a proclamé haut et fort qu'il y était opposé. Mais Ségolène Royal sera-t-elle élue? Et tiendra-t-elle les promesses du PS?
De toute façon il faut rappeler qu'une partie de la droite UMP ainsi que l'UDF s'étaient à l'origine prononcées contre la privatisation, se faisant en quelque sorte le relais de l'opinion publique qui est inquiète devant la menace de hausse des tarifs, ainsi que d'une partie du patronat réticent pour la même raison. C'est que les patrons, gros et petits, consomment 60% de l'électricité du pays et ne cessent de protester contre la hausse des tarifs du marché. Une renonciation à la privatisation de GDF, évidemment souhaitable, n'aurait rien d'une mesure révolutionnaire. Cela dit, pour le moment, elle n'est que reportée.
Mais il y a une autre mesure du Conseil constitutionnel sur laquelle les médias n'ont pas vraiment attiré l'attention. Elle est pourtant lourde de conséquences.
Celui-ci a confirmé qu'un client «particulier» (c'est-à-dire ni industriel ni PME, etc.) s'il abandonnait ses contrats le liant à EDF et GDF se retrouverait automatiquement avec les prix du marché, même s'il choisissait de revenir à EDF ou GDF. Et il a condamné les tarifs intermédiaires entre ceux du marché et les tarifs réglementés qu'EDF a accordés récemment à des petits industriels, qui après avoir quitté EDF voulaient y revenir. Pour le Conseil constitutionnel, dans un tel cas, ce sera le marché et rien d'autre.
Or, à partir du 1erjuillet 2007, cette mesure concernera tout le monde. Mais nul n'est obligé d'abandonner ses contrats avec EDF et GDF, dira-t-on. Eh bien, pas si sûr!
Que se passera-t-il en cas de déménagement? Trois millions de familles déménagent chaque année dans le pays. Lorsqu'une famille arrivera dans un logement non couvert par un contrat EDF et GDF, lui faudra-t-il subir les tarifs du marché? Et qu'en sera-t-il des logements neufs?
On pourra donc, sans l'avoir choisi se retrouver «dans le marché». Et cette première brèche dans les tarifs réglementés pourra servir de précédent. Un jour on viendra nous dire que ceux qui bénéficient encore du tarif protégé sont des «privilégiés» et qu'il faut mettre tout le monde à égalité... aux prix du marché s'entend.
Cette perspective a été comprise par les actionnaires: en une séance l'action EDF a gagné plus de 5% à la Bourse. Quant aux très gros consommateurs, les «électro-intensifs» qui se sont mis d'accord avec EDF pour obtenir des contrats pas trop douloureux, le Conseil constitutionnel n'y a rien trouvé à redire: ce sont des contrats librement consentis...
Nous sommes en démocratie, paraît-il. Voilà ce que les neuf membres du Conseil ont décidé pour soixante millions d'habitants dont personne n'a pris le soin de demander l'avis.