RD du Congo (ex-Zaïre) L’élection de Joseph Kabila : La démocratie des bandes armées29/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2000.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

RD du Congo (ex-Zaïre) L’élection de Joseph Kabila : La démocratie des bandes armées

La Cour suprême de justice de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) a confirmé la désignation de Joseph Kabila à la présidence du pays à l'issu du deuxième tour des élections qui se sont déroulées le 29 octobre.

Les dirigeants occidentaux ont présenté comme «historiques» ces élections, qui incluaient également des élections législatives; pour eux, il s'agirait des premières élections vraiment démocratiques depuis l'indépendance du pays en 1960.

Mais comment peuvent-ils parler de démocratie dans un pays soumis à la loi des bandes armées, où tous les rouages de l'administration sont corrompus, où la plupart des moyens de communication ont été détruits et où la guerre civile, qui a déjà fait directement ou indirectement quatre millions de morts, a entraîné le déplacement de millions de gens?

Des observateurs internationaux ainsi que des représentants d'ONG présents sur le terrain ont d'ailleurs dénoncé de nombreuses tentatives d'intimidation, des attaques menées contre des locaux ou des réunions politiques, voire des assassinats commis notamment dans les districts les plus éloignés du pays.

En réalité, les résultats de ces élections sont à l'image de cette situation. Le président sortant, Joseph Kabila, qui a succédé à son père Laurent-Désiré assassiné en 2001, a été donné vainqueur sur son principal rival Jean-Pierre Bemba. Il est vrai que le premier n'avait pas ménagé sa peine, bradant les ressources minières du pays aux trusts occidentaux afin de financer sa campagne électorale et de s'attirer le soutien de certains clans rivaux comme celui de l'ex-dictateur Mobutu. Quant à Bemba, qui a immédiatement contesté les résultats du scrutin et menace de reprendre les armes, il ne vaut guère mieux. Celui-ci a su profiter de la guerre pour se tailler un immense empire dans le nord du pays, qui lui permet d'entretenir aujourd'hui une milice privée, forte de plusieurs milliers d'hommes rien que dans la capitale Kinshasa.

Le «plan de paix», enclenché depuis fin 2002 et supervisé par l'ONU et l'Union africaine, n'a pas changé grand-chose à la situation du pays. La guerre civile, qui l'a ensanglanté depuis 1997 et dans laquelle jusqu'à six pays africains ont été impliqués, a laissé un pays totalement désorganisé et exsangue. Ce conflit et ses conséquences humanitaires -déplacements de centaines de milliers de personnes, destruction des infrastructures sanitaires, épidémies et famine- ont fait 4millions de morts, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais ce macabre bilan n'est pas terminé. Car, en dépit du déploiement de 17500 soldats de l'ONU, le pays n'est pas débarrassé des bandes armées. À l'Est notamment, dans les provinces d'Ituri et du Nord Kivu, les bandes de rebelles et les miliciens continuent à tuer, violer et piller la population.

Quant à la capitale Kinshasa et aux grandes villes, elles n'échappent pas à l'insécurité. Aux milices des différents clans s'ajoute la menace que constituent les dizaines de milliers d'orphelins et d'enfants abandonnés, les «shégués», qui vivent en rançonnant les taxis et en terrorisant les gens. Ils constituent également un vivier dans lequel les dirigeants politiques puisent à peu de frais des hommes de main et des recrues pour leurs milices privées.

Autant dire que contrairement aux affirmations des dirigeants onusiens et occidentaux, ces élections donneront tout au plus une certaine légitimité internationale au régime de Joseph Kabila, mais elles n'apaiseront pas pour autant les tensions, et encore moins la misère qui règne dans ce pays soumis à tous les pillages.

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