La grève de la consommation : Un mythe inefficace et réactionnaire29/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2000.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La grève de la consommation : Un mythe inefficace et réactionnaire

Un certain nombre d'associations de la mouvance écologiste ou altermondialiste, comme Casseurs de pub ou les Amis de la terre ont appelé les consommateurs à «une journée sans achat» le samedi 25 novembre. Ce sont donc ceux qui travaillent toute la semaine et consacrent une partie de leur samedi à faire quelques courses qui ont été invités à ne pas remplir leur Caddie... pour protester symboliquement contre cette «société de consommation qui engendre pillage et injustice» et ainsi promouvoir «notre capacité d'autolimitation, individuellement avec la simplicité volontaire, et collectivement grâce à la décroissance».

Dans un «manifeste pour la grève générale de la consommation», les partisans de cette initiative s'indignent fort justement des conséquences de la domination de «cette infime minorité de puissants qui s'engraisse de notre mal-vie et de la destruction de toute chose». Mais au-delà de la dénonciation, qui ne va pas jusqu'à utiliser le mot de «capitalisme», nombre d'objectifs mis en avant sont bien souvent discutables et inefficaces, quand ils ne sont pas simplement réactionnaires.

Inefficace...

Dans un passé récent, les mêmes ou d'autres avaient appelé les consommateurs à boycotter tels ou tels produits. Ce fut le cas contre les produits de Danone qui procédait alors à des licenciements, ou ceux de Nike accusé d'exploiter le travail des enfants dans certains pays pauvres, ou Total qui participait grandement à la pollution maritime. Ces actions, à l'impact réduit, si elles ont un temps pu gêner ces trusts capitalistes (essentiellement pour ce qui concerne leur image), ne pouvaient bien évidemment pas les contraindre à cesser leurs méfaits. C'est que l'organisation des consommateurs, dispersés par nature, n'est pas si facile que cela, et somme toute bien plus difficile que celle des salariés, concentrés dans les lieux de production et unis de fait par leurs propres exploiteurs.

Seulement, si les tenants de la «journée sans achat» n'ignorent nullement l'action possible des travailleurs, ils lui tournent résolument le dos. Dans leur manifeste, on trouve par exemple cette interrogation: «Qui peut encore croire en une grève générale du travail?» Et leur réponse: «Les peuples ont longtemps espéré dans une grève générale du travail. Il serait absurde de lui opposer ses échecs, car le propre d'un mythe est de permettre d'agir mais aussi de supporter les inévitables défaites». Mais si «la» grève générale, comme moyen suffisant pour renverser le capitalisme, est un mythe, bien «des» grèves générales du passé ont montré qu'elles pouvaient représenter une arme pour les travailleurs.

... et réactionnaire

La limitation de la production, dont se revendiquent les partisans de cette «journée sans achat», est une vieillerie réactionnaire qui voit dans la limitation de la croissance économique la solution aux maux qu'engendre le système capitaliste... sans se soucier de ceux qui aujourd'hui sont démunis de l'essentiel et aimeraient bien, à juste titre, consommer davantage.

Il est vrai que l'organisation capitaliste de l'économie a enfanté le productivisme effréné et la dégradation sauvage de l'environnement. Mais prêcher la décroissance, alors que la misère est le lot du plus grand nombre -dans les pays pauvres mais aussi dans les métropoles du capitalisme où les laissés-pour-compte sont de plus en plus nombreux- ne peut être le fait que de gens à qui l'essentiel ne manque pas, et qui se moquent éperdument de ceux qui vivent dans la pauvreté.

Il se trouvait que ce samedi 25 novembre était aussi... un jour de collecte pour la Banque Alimentaire, dont les bénévoles sollicitaient la générosité des clients des supermarchés, afin de récolter des biens de consommation servant de base à la confection de repas pour les démunis, via des associations comme Emmaüs ou la Croix-Rouge.

Alors, le seul choix est-il entre la charité (finalement plus sympathique car au moins tournée vers les autres) ou la grève du Caddie, pour s'opposer à cette société où le profit induit misère et inégalités? Il y en a bien sûr un autre, celui qui consiste à remettre en cause le système capitaliste, qui ne peut produire que misère et destruction, pour bâtir une autre société respectant enfin l'homme et la nature.

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