Irak - Devant le chaos croissant : L’impérialisme à la recherche d’une porte de sortie29/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2000.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak - Devant le chaos croissant : L’impérialisme à la recherche d’une porte de sortie

Jeudi 23 novembre, des attentats à la voiture piégée faisaient plus de 200 morts et 150 blessés parmi la population du quartier chiite de Sadr City, à Bagdad, la capitale irakienne. Le lendemain, en riposte à ces attentats, des tirs de mortiers s'abattaient sur une enclave sunnite de la ville. Chaque jour, des dizaines de morts s'ajoutent à la liste.

L'Irak est déchiré depuis des mois par les affrontements qui opposent différentes factions, chiites et sunnites. À Bagdad, chaque arrondissement, chaque quartier, est maintenant sous la coupe d'un chef religieux et de sa milice, tel l'imam intégriste Moqtada El Sadr qui règne sur un des quartiers les plus pauvres de la capitale irakienne. Chaque milice patrouille «son» quartier, dresse des barrages, interpelle les passants, vérifie les identités, et tue parfois froidement ceux dont la carte d'identité porte un nom montrant qu'ils n'appartiennent pas à la «bonne» confession. Les fausses cartes d'identité portant des noms typiquement chiites ou sunnites, et permettant de passer les nombreux «check-points» qui quadrillent désormais le pays s'arrachent au marché noir.

En chassant Saddam Hussein, l'impérialisme américain a laissé un vide politique que les institutions mises en place par Washington et Londres n'ont pas comblé. Trois ans après la chute du dictateur qui fut longtemps un des principaux soutiens de l'impérialisme dans la région, il n'a toujours pas réussi à rétablir une stabilité malgré la présence d'importantes forces armées. Son intervention a libéré des forces qu'il s'avère incapable de contrôler.

Alors que Bush continue à nier l'état de guerre civile qui déchire l'Irak, dans les coulisses, les états-majors militaires ou diplomatiques étudient des solutions pour sortir du bourbier sans abandonner totalement au chaos cette région stratégique et riche en ressources pétrolières.

On parle même maintenant du rôle de garant de la stabilité que pourraient jouer l'Iran et la Syrie. Justement, on a assisté à une «réconciliation» entre la Syrie, pays à majorité sunnite et auquel on attribue le soutien à certaines milices sunnites, et l'Irak. Walid Mouallem, le chef de la diplomatie syrienne, en visite à Bagdad le 21novembre dernier, a déclaré à cette occasion que son pays serait prêt à fournir «toute l'aide possible» à l'Irak «pour le maintien de son unité».

Dans le cadre de sa recherche d'un règlement régional, l'Iran chiite pourrait aussi être mis à contribution. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est intervenu lors de la venue du président irakien Jalal Talabani, à Téhéran, le 27novembre, en déclarant que: «Toute l'aide dont la nation et le gouvernement iranien sont capables sera fournie».

En fait, malgré les invectives des dirigeants américains contre l'Iran, une collaboration existe déjà. Pierre-Jean Luizard, auteur d'un ouvrage intitulé la Question irakienne, y constatait déjà que: «Jusqu'à aujourd'hui et contrairement aux discours officiels, les États-Unis n'ont eu qu'à se féliciter de la politique iranienne en Irak. C'est grâce à la bénédiction de Téhéran que Washington a pu établir un partenariat inavoué avec la majorité chiite d'Irak sans lequel ce pays se serait depuis longtemps déjà transformé en enfer pour les troupes de la coalition.»

De la collaboration sous la table, passera-t-on à la collaboration ouverte, voire aux embrassades? On n'en est pas là mais le régime iranien pourrait être bien utile à l'impérialisme s'il acceptait, avec la Syrie, de se faire le protecteur d'une nouvelle dictature en Irak. Ce ne serait pas la première fois que des «forces du mal» deviendraient subitement celles du «bien».

En tout cas, quels que soit les choix que fera l'impérialisme, la population irakienne, elle, va continuer encore longtemps à souffrir du chaos que sa politique a engendré.

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