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Tribune de la minorité
C'est Galère Royale, ça promet !
Une femme ? Certes. Comme Margaret Thatcher. Nouvelle ? Elle fut conseillère de ce vieux politicien sur le retour qu'était Mitterrand, puis a été trois fois ministre, d'abord sous sa présidence, puis sous celle de Chirac avec Jospin. Ministre sous des gouvernements qui ont institutionnalisé la flexibilité et le blocage des salaires, et frayé la voie à la droite. Mais le vieux label du faux socialisme rhabillé de lin blanc, a eu son petit effet publicitaire. Ce sera donc Ségolène Royal. Ainsi l'ont voulu à plus de 60 % les adhérents socialistes. "La politique doit changer. Je veux incarner ce changement profond [...] La politique doit être attentive aux leçons que le peuple donne [...] N'ayons pas peur des idées neuves", a déclaré la nouvelle candidate.
Neuves, les idées de Ségolène Royal ? Plutôt franchement réactionnaires. Elle a en effet multiplié les propos sécuritaires, fonds de commerce d'un Sarkozy ou d'un Le Pen. En visite au Sénégal, elle a prôné l'idée de visas à entrées multiples, c'est-à-dire la sélection pour un temps limité d'un nombre réduit d'immigrants intellectuels, main-d'oeuvre qualifiée, selon les besoins des patrons. En somme l'immigration "choisie" de Sarkozy.
À Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne, d'où étaient parties les émeutes d'octobre 2005, elle a expliqué qu'il fallait "remettre au carré les familles", expédier les "fauteurs de troubles" dans des centres éducatifs encadrés par des militaires, et s'est déclarée pour le maintien des CRS dans les cités... Sarkozy ne fait pas autre chose !
Il y a aussi ces propos tenus dans une réunion interne du PS mais divulgués récemment par une vidéo, concernant les enseignants : elle voudrait les contraindre à faire 35 heures de présence dans leur établissement, eux dont le ministère de l'éducation lui-même estime le temps de travail à plus de 39 heures. Surfer sur démagogie anti-fonctionnaires, voilà encore une vieille recette politicienne !
L'incarnation d'un "changement profond", madame Royal ? Pas un mot dans ses discours sur le chômage de masse et la précarité généralisée qui ont peu à peu transformé certaines cités en véritables ghettos prêts à exploser. Ou plutôt une vieille idée "neuve" : restaurer les emplois-jeunes, une de ces nombreuses variétés de boulots précaires et d'emplois bidons, créée par le gouvernement Jospin.
Certes, à l'heure actuelle et depuis 4 ans, c'est la droite qui est aux commandes et mène la charge contre les travailleurs, après que la gauche au gouvernement (en partie en cohabitation avec la droite) lui a bien facilité le travail. Mais pour mettre un coup d'arrêt à ce saccage social, il ne faudra pas compter sur le PS et sa candidate.
On va sans doute, dans les mois qui viennent, essayer de polariser notre attention sur le duel Royal/Sarkozy, comme s'il s'agissait d'un vrai choix. En réalité, bien difficile de distinguer leur programme. Ils rivalisent tous deux dans ce que leurs amis appellent le "modernisme", c'est-à-dire une certaine démagogie sécuritaire, anti-jeunes et répressive, sans que Ségolène -la version féminine "de gauche" de Sarkozy- ne s'engage sur quoi que ce soit en faveur des travailleurs. Avec Sarko, le patronat gagne ; avec Ségo, les travailleurs perdent !
Si les prochaines élections portaient au pouvoir la gauche, celle-ci ferait ce qu'elle a toujours fait : entériner les reculs imposés par la droite, et en accompagner de nouveaux. Que l'un ou l'autre soit élu, les travailleurs, les pauvres, les jeunes, les immigrés, tous les exploités et opprimés, ne changeront leur sort que par la lutte. Et cette lutte contre les riches et la bourgeoisie devra se mener aussi contre le futur gouvernement et le président, quelle que soit leur couleur politique.
Éditorial des bulletins L'Étincelle de la fraction de Lutte Ouvrière, du lundi 20 novembre.