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- Lutte ouvrière n°1998
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Dans les entreprises
Thomé-Génot - Nouzonville (Ardennes) : Le gouvernement envoie les CRS, mais il est contraint à des concessions
Pendant deux jours la petite ville ouvrière de Nouzonville, dans les Ardennes, a été mise en état de siège par 250 CRS, envoyés contre les salariés de l'usine Thomé-Génot. Les travailleurs licenciés réclamaient 30000 euros.
Le gouvernement a cru pouvoir se débarrasser d'eux à coups de grenades lacrymogènes mais, devant la mobilisation de la population venue soutenir les grévistes, il a été contraint à un premier recul.
Depuis maintenant trois semaines, les 320 ouvriers de Thomé savent que leur usine ferme. Ils y fabriquaient des pôles d'alternateurs pour de gros sous-traitants automobiles, Valeo et Visteon. À l'issue d'un premier redressement judiciaire, il y a deux ans, la société avait été rachetée à son patron ardennais, la famille Dury, par un fonds d'investissement américain, le groupe Catalina. La fortune des Dury étant mise à l'abri, le démantèlement commença. Catalina mit la main sur les brevets, vendit le parc immobilier de la société, versa à ses dirigeants des salaires de 800000 euros par an. Puis, ayant ainsi siphonné tout ce qui était monnayable, il mit la clé sous la porte le 24 octobre dernier.
Les ouvriers de Thomé ont multiplié les actions pour se faire entendre. Une manifestation a regroupé le 3 novembre à Charleville-Mézières 1500 travailleurs du département à l'appel de la CGT et de FO. Au début de la semaine suivante, ils bloquèrent la préfecture, avant de se replier sur leur usine pour l'occuper. Des discussions étaient annoncées à Paris avec le ministre du Travail, Gérard Larcher, mais celui-ci différa ces négociations jusqu'à vendredi 10 novembre. Les CRS et les gendarmes mobiles, par contre, ne traînèrent pas pour occuper Nouzonville.
Ils firent une première apparition mercredi soir 8 novembre et le lendemain ils revenaient en force. Quarante-deux cars faisaient leur entrée en ville à 5 heures du matin et une partie d'entre eux pénétraient dans l'usine. Le lendemain, vendredi 10 novembre, une pluie de grenades lacrymogènes accueillit les salariés de Thomé et la population qui se dirigeaient vers l'usine en manifestation. En fin d'après-midi les cars sortirent de l'usine, après avoir évacué toutes les matières jugées «dangereuses», et les CRS prirent position à quelques kilomètres de là.
En fait, ce n'était pas l'utilisation qu'auraient pu faire de ces produits les salariés qui inquiétait le gouvernement. Il craignait surtout la mobilisation des travailleurs et le soutien de la population. Dans la nuit de vendredi à samedi le ministère fit en urgence des annonces qui se voulaient apaisantes. Une médiatrice fut envoyée à Charleville. Mardi 14 novembre celle-ci annonçait 8000 euros pour ceux qui accepteraient de signer un contrat de transition professionnelle.
Le gouvernement expérimente ce CTP dans quelques zones, dont font partie les Ardennes. Il prévoit le paiement à 80% du salaire brut pendant un an, ainsi que des aides au reclassement et à la formation. À cela s'ajouterait pour Thomé une prime de 6000 euros à ceux qui retrouveraient du travail dans l'année. Par ailleurs, des mesures de garantie de salaire en cas de reclassement ont été annoncées.
C'est donc un premier recul dû à la mobilisation. Et ce recul doit être un encouragement pour continuer et obtenir plus. Pour la prime, bien sûr, et aussi pour que «l'objectif» dont a parlé le ministre du Travail de «zéro chômeurs pour les salariés de Thomé-Génot à l'échéance de douze mois» se transforme pour ceux-ci en une véritable garantie.