Ennemi ouvert et faux amis17/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/11/une1998.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Ennemi ouvert et faux amis

Dans une longue interview accordée au journal patronal Les Echos, Sarkozy vient de développer son programme économique au cas où il serait élu président de la République en 2007: «Je veux réconcilier le pays avec le capital.». Sa recette est, au fond, simple: donner encore plus au capital et prendre encore plus aux salariés.

Quelques perles: «On a le droit du travail le plus protecteur», ose-t-il affirmer. Il n'ignore évidemment pas que les gouvernements successifs de gauche comme de droite ont déjà offert au patronat une grande variété de contrats précaires, qui lui permettent de contourner la loi sur les licenciements. Les grandes entreprises et, plus encore, leurs sous-traitants fonctionnent déjà grâce aux intérimaires, licenciables à volonté. Les super et hypermarchés font l'essentiel de leurs profits grâce à un personnel en grande partie à temps partiel non choisi, corvéable à merci.

Mais cela ne suffit pas. Aux «entreprises qui réclament moins d'incertitude sur la durée des procédures de licenciement», Sarkozy promet un contrat unique qui rendrait le licenciement plus facile pour tous.

«C'est le travail qui crée le travail», pontifie Sarkozy. Et de s'en prendre à la politique «qui a consisté à vouloir partager le travail au lieu d'en créer davantage». Jusqu'à nouvel ordre, ce sont les entreprises, c'est-à-dire leurs patrons, qui peuvent créer les emplois qu'ils ne créent pas! Mais pas pour Sarkozy. Lui, il s'en prend aux travailleurs de ne pas créer eux-mêmes leurs propres emplois.

Il a aussi un petit couplet sur les chômeurs: «Il faut faire en sorte que le demandeur d'emploi ne puisse pas refuser plus de trois offres d'emploi.» En somme, que le chômeur soit obligé d'accepter n'importe quel emploi à n'importe quel prix.

Et, bien sûr, pour Sarkozy, il en est qui partent trop tôt à la retraite. Est-ce la promesse de repousser à 70 ans l'âge de la retraite? Pour les patrons, il y a en revanche «l'exonération totale des charges sociales et des impôts sur les heures supplémentaires». Façon de dire aux patrons: ne créez pas d'emplois et usez jusqu'aux limites du possible les travailleurs.

Sarkozy annonce d'autant plus clairement la couleur que l'électorat qu'il vise se recrute pour l'essentiel parmi les privilégiés grands et petits, à qui il ne déplaît pas qu'on écrase plus encore les travailleurs, pour en extraire encore plus.

À gauche, c'est du côté des salariés que les candidats cherchent leur électorat. Et ce qui est frappant, c'est l'extrême prudence sur le plan social des trois candidats à la candidature du PS. Mis à part la promesse de Fabius d'augmenter le smic, mais dans des proportions guère différentes de ce que serait son augmentation automatique, il n'y a aucun engagement dont les salariés pourraient s'emparer et le rappeler à l'élu(e). Leur programme, on ne le connaîtra vraiment qu'une fois l'un d'entre eux élu, s'il l'est.

Voilà à quoi se résume pour nous la confrontation électorale prochaine: pile, je gagne, face, tu perds. Avec la droite reconduite au pouvoir, c'est le patronat qui gagne. Avec la gauche, il ne perdra rien.

Les élections à venir permettront aux travailleurs, au mieux, d'exprimer ce qu'ils pensent de leurs ennemis ouverts et de leurs faux amis. Mais, pour arrêter les coups que le patronat leur porte, ce n'est pas sur les urnes qu'ils peuvent compter!

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 13 novembre

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