Quand le Medef claque des doigts, le pouvoir accourt!25/10/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/10/une1995.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Quand le Medef claque des doigts, le pouvoir accourt!

Laurence Parisot, la présidente de l'organisation patronale Medef, remet ça: elle veut que le licenciement soit "une séparation à l'amiable" comme dans certains divorces. Comme si les travailleurs licenciés et les patrons qui licencient étaient sur un pied d'égalité!

Les lois réglementant le licenciement sont censées compenser, un peu, l'inégalité entre le patron qui a tous les droits et le travailleur isolé qui n'en a aucun.

Les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, ont déjà offert au patronat une multitude de contrats précaires qui permettent aux patrons de contourner la loi. Mais même le peu qui en reste gêne le patronat, qui veut pouvoir licencier quand il veut, comme il veut, sans qu'aucun inspecteur du travail puisse s'en mêler.

C'est presque la même chose pour la durée du travail. Prenant position dans la polémique autour des 35 heures, Parisot déclare cyniquement: "Ce qu'il faut faire, c'est abroger le concept de durée légale du travail." En d'autres termes, c'est aux patrons de définir celle-ci: faire travailler 40 heures et, pourquoi pas, 50 heures et plus, les semaines où cela arrange le patron, et moins, voire pas du tout, quand il n'en a pas besoin.

Sarkozy, en défenseur du grand patronat qu'il est, a aussitôt acquiescé. Et son porte-parole, Fillon, de renchérir: "Les 35 heures étaient une erreur historique", "il faut "libéraliser" les heures supplémentaires". Et, pour plaire au patronat de l'hôtellerie-restauration, la droite se dépêche de faire une loi annulant un jugement du Conseil d'État dont l'effet serait d'introduire les 35 heures dans ce secteur.

Autant dire qu'après la proclamation claire des exigences patronales, la rencontre du 23 octobre entre les dirigeants syndicaux et le Medef apparaissait comme une convocation pour développer les positions patronales. On ne parle même pas de "négociation", mais de "délibération sociale", Parisot expliquant que c'est seulement si cela se passe bien - en clair, si les dirigeants syndicaux se montrent coopératifs - qu'ils auront droit à la négociation.

"Nous, les entreprises, nous voulons plus de souplesse, les syndicats souhaitent davantage de sécurité", annonce Parisot, qui se dit pour une troisième voie conciliant les deux. Comme si on pouvait concilier les intérêts du loup et ceux de l'agneau qu'il s'apprête à dévorer!

Autant dire que, quelle que soit l'étiquette, "délibération", "dialogue" ou "négociation", la potion qui sortira des conciliabules patronat-syndicats sera amère pour les travailleurs. On peut tout au plus espérer que, parmi les organisations syndicales, il s'en trouvera qui auront au moins la dignité de refuser de contresigner les propositions patronales.

Quant aux politiques, la droite veut, comme le patronat, des travailleurs exploitables et corvéables à merci, et qui soient reconnaissants aux patrons de leur offrir des heures supplémentaires pour arrondir leurs salaires.

Du côté du PS, si l'un des candidats veut généraliser les 35 heures et une autre exprime ses réserves, aucun d'entre eux ne se donne la peine de rappeler qu'en contrepartie des 35 heures, le patronat a obtenu la flexibilité, le décompte des heures supplémentaires à l'année, sans parler de compensations financières considérables. À plus forte raison, aucun ne promet de revenir sur ces cadeaux faits au patronat, ce qui fait que, si les 35 heures disparaissent, les patrons pourront garder le beurre et l'argent du beurre.

La "remise à plat" du contrat de travail discutée entre le Medef et les syndicats part des exigences patronales.

Ce n'est pas une telle fausse négociation, mais une explosion sociale, un coup de colère du monde du travail, qui pourrait contraindre le patronat à une "remise à plat" bénéfique aux travailleurs, qui transformerait tous les contrats précaires en contrats à durée indéterminée et qui généraliserait les 35 heures, mais sans flexibilité et sans aucun cadeau au grand patronat.

Arlette Laguiller.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 octobre.

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