Prix Nobel : De la pauvreté à la micro-résignation18/10/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/10/une1994.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prix Nobel : De la pauvreté à la micro-résignation

Le prix Nobel de la Paix vient d'être décerné pour 2006 à un économiste du Bangladesh, Mohammed Yunus, qui a développé depuis trente ans un système de prêt aux pauvres. Ce prix a dans le passé récompensé aussi bien des chefs d'État qui n'étaient pas spécialement pacifistes, comme l'israélien Menahem Begin et le secrétaire d'État américain Henry Kissinger, que des dirigeants d'organismes humanitaires de pays sous-développés. Le choix de cette année relève de cette dernière catégorie, et met en valeur un homme qui, en prônant ce que l'on a appelé le «micro-crédit», a popularisé une recette pouvant peut-être donner de l'espoir à une toute petite partie de la population des pays pauvres... mais pas changer vraiment leur condition.

Le fonctionnement de cet organisme de prêt pour les plus démunis repose sur une certaine forme de solidarité entre ceux qui n'ont pas grand-chose et qui s'entraident par ce moyen. Cette entraide n'a souvent pas attendu le jury Nobel pour s'organiser, en constituant des «caisses communes». Dans la Grameen Bank mise sur pied par Mohammed Yunus, les prêts sont peu élevés, et souvent consentis à des groupes qui les remboursent de façon solidaire.

Ces petites sommes peuvent bien sûr être utiles, en permettant aux emprunteurs d'acheter plus facilement quelques outils pour vivre du fruit de leur travail, de survivre plutôt que de mourir de faim. Accessoirement, elles rapportent suffisamment au banquier prêteur pour que sa banque, lancée en 1976 avec un capital de vingt-sept dollars, soit aujourd'hui présente dans 58 pays et emploierait 12000 personnes.

Mais ce genre d'organisme ne peut faire reculer la pauvreté. Ils n'en ont d'ailleurs pas la prétention. L'affirmation du jury Nobel, qui justifie son choix en disant qu'il n'y a pas de paix sans recul de la pauvreté, n'est qu'une hypocrisie. Les prêts de la banque de Yunus n'ont jamais permis aux emprunteurs de sortir de leur condition, encore moins d'accéder aux richesses produites par la société. Sa conception implicite est plutôt la suivante: que les pauvres soient solidaires entre eux et ne viennent surtout pas demander des comptes aux riches.

D'ailleurs, Mohammed Yunus se définit lui même comme «prêteur d'espoir», que l'on pourrait tout aussi bien traduire par «marchand d'illusion». Il donne à certains la possibilité de survivre en vendant des soupes sur le trottoir, ou en achetant une machine à coudre. C'est peut-être mieux que rien, quand on est au fond du gouffre de la misère, mais ce n'est pas grand-chose.

Mais cela suffit en tout cas à satisfaire les députés norvégiens qui décernent, par un comité interposé, les «Nobel» de la Paix.

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