Comment la couche des privilégiés a grandi sur le cadavre de la révolution écrasée18/10/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/10/une1994.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Comment la couche des privilégiés a grandi sur le cadavre de la révolution écrasée

Après 1956, pendant plusieurs années, la dictature retrouva toute sa férocité, avant que Kadar, qui assumait la responsabilité politique de la répression, commence cette évolution qui allait en faire l'inventeur du «socialisme du goulash» et faire progressivement de la Hongrie, pour reprendre une expression en vogue à l'époque, «la baraque la plus joyeuse du camp soviétique».

Mais ceux qui tirèrent profit de l'évolution engagée par Kadar ne furent pas les mêmes que ceux qui avaient fait la révolution et qui subirent le gros du poids de la répression. Alors que la classe ouvrière, écrasée par les troupes de la bureaucratie, était écartée de la scène politique pour une très longue période -en Hongrie, jusqu'à maintenant en fait-, pour se donner une certaine assise sociale, Kadar protégea et soigna la couche privilégiée, ceux qui occupaient de hautes positions dans l'appareil d'État et à la direction des entreprises nationalisées, mais aussi cette couche de profiteurs qui allait se développer dans les interstices de l'économie encore planifiée, avant que les uns et les autres deviennent ensemble, en 1989, les artisans et les profiteurs du rétablissement complet de l'économie de marché et de la privatisation des entreprises.

Les conséquences de la répression de l'insurrection ouvrière en Hongrie dépassèrent les frontières de ce pays. L'insurrection de Budapest fut le dernier épisode d'une période où la contestation de la dictature de la bureaucratie soviétique vint essentiellement de la classe ouvrière et où les forces politiques qui cherchaient une issue à la dictature stalinienne se revendiquaient du communisme et du socialisme, pour vague ou hésitante qu'ait été leur compréhension de ce qu'était la bureaucratie et son pouvoir, et quand bien même elles se fussent montrées incapables d'offrir une perspective et une direction politique à une classe ouvrière à la fois combative et politisée.

Désormais, la contestation allait venir d'autres forces politiques, celles-là tolérées, voire protégées par la bureaucratie. Qu'elles se soient développées sous l'aile protectrice de l'Église ou sous les dehors d'idées sociales-démocrates à l'occidentale, elles reflétaient les aspirations de la petite bourgeoisie à desserrer, certes, la dictature et la mainmise de la bureaucratie soviétique, mais aussi à pouvoir accumuler, consommer, acheter et vendre librement. Le retour à l'économie de marché, l'ouverture vers l'Occident se substituèrent aux projets de «réformer le socialisme réellement existant».

Désormais, même là où, comme en Pologne dans les années 1970 - début 1980, la classe ouvrière relevait la tête, montrant une combativité et une capacité d'organisation exceptionnelles, elle le fit sous l'influence de ces forces.

Et dans les années précédant et suivant le changement de régime de 1989, pendant que les dirigeants en place se muaient de pseudo-communistes en vrais partisans du capitalisme, faisaient fortune et surtout devenaient les intermédiaires qui bradaient les usines, les banques, les chaînes de distribution étatiques aux grands trusts occidentaux, moyennant commissions, les travailleurs, désorientés, étaient complètement désarmés, sans perspectives politiques devant le changement de régime.

Mais, dans la Hongrie devenue de nouveau une semi- colonie des grands trusts occidentaux, où l'enrichissement spectaculaire d'une minorité côtoie la misère de ceux qui n'ont tiré aucun bénéfice des transformations économiques, se prépare, on doit l'espérer, une nouvelle génération qui saura retrouver et dépasser la conscience de classe des anciens!

Partager