- Accueil
- Lutte ouvrière n°1993
- Russie : Leur ami le "démocrate" Poutine.
Dans le monde
Russie : Leur ami le "démocrate" Poutine.
Les médias russes ont tous parlé de l'assassinat, samedi 7 octobre à Moscou, de la journaliste Anna Politkovskaïa. Mais pratiquement aucun n'aurait publié ses articles sur la guerre que le Kremlin mène en Tchétchénie, sur les crimes qu'y commet l'armée russe - enlèvements, viols, torture systématique, meurtres, trafics, blanchiment d'argent...
En effet, depuis qu'en 2000 Poutine a succédé à Eltsine à la tête de la Russie, la quasi-totalité des télévisions et journaux a été reprise en main par le pouvoir. Et bien peu s'aviseraient de l'indisposer en faisant paraître des enquêtes sur des sujets comme l'armée, la police, les services secrets (dont est issu Poutine), encensés quotidiennement par le pouvoir, qui ont coûté la vie à Anna Politkovskaïa. Et il n'est pas de jour sans que plusieurs chaînes de télévision ne programment des films ou des feuilletons mettant en scène les "exploits" des soldats russes contre les "terroristes" caucasiens, ou des "organes" (services secrets russes) contre des "espions" à la solde de pays étrangers, tous plus ou moins ligués pour nuire à la Russie de Poutine.
Aujourd'hui, la population russe n'a guère d'autre source d'information que ces grands médias, à commencer par la télévision, qui sont étroitement tenus par des proches de Poutine, des monopoles publics ou des groupes privés contrôlés par l'État. Et dans le monde de l'information selon Poutine, gare à qui ne respecterait pas les règles fixées par le Kremlin. Amendes, emprisonnement, menaces sont là pour rappeler à l'ordre les récalcitrants. Quant aux journalistes vraiment trop curieux, c'est à leurs risques et périls: treize d'entre eux ont été tués sous Poutine.
Plus connue à l'étranger (par ses livres) qu'en Russie (où elle écrivait pour un périodique à petit tirage, non inféodé au Kremlin), Anna Politkovskaïa ne manquait pas d'ennemis bien placés ayant les moyens de la réduire au silence: les militaires tortionnaires et policiers corrompus qu'elle avait dénoncés; le Premier ministre tchétchène, le mafieux Ramzan Kadyrov; le président de l'Ingouchie voisine, qu'elle avait mis en cause lors de la sanglante prise d'otages de l'école de Beslan, en 2004; et, surtout, Poutine et son entourage.
C'est eux qu'elle accusait d'avoir enlisé le pays dans la seconde guerre de Tchétchénie, de gouverner par la corruption et la violence, d'attiser le chauvinisme, de couvrir les "ratonnades" de l'extrême droite raciste russe contre des personnes originaires du Caucase, d'Asie centrale ou d'Afrique.
Dans un de ses ouvrages, Anna Politkovskaïa avait résumé tout cela en disant: voilà "pourquoi je n'aime pas Poutine".
À ses yeux, Poutine rejetait la Russie loin de la démocratie qu'incarnait, pour elle, l'Europe occidentale. Mais fin septembre, lors du sommet de Compiègne, malgré les flots de sang qui coulent dans le Caucase, malgré de sanglants pogromes, cet été, auxquels le Kremlin n'a rien trouvé à redire, les "démocrates" Chirac et Angela Merkel avaient accueilli à bras ouverts leur ami Poutine. Comme d'habitude.