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Leur société
Méthode globale ou syllabique? Voilà la méthode de Robien!
Le ministre de l'Éducation, de Robien, part en guerre contre des enseignants qui ne suivraient pas "intégralement" les consignes concernant l'apprentissage de la lecture qu'il a données début 2006. En bref, il leur demande de revenir à la bonne vieille méthode syllabique, qui décompose les mots, et de bannir toute méthode globale ou semi-globale responsables, selon lui, des "20% de jeunes ne sachant pas lire à l'entrée en sixième".
Pour avoir émis des doutes sur les affirmations péremptoires du ministre, un inspecteur de l'Éducation nationale de Lille fait actuellement l'objet d'une procédure disciplinaire. Il y a quinze jours, un formateur d'inspecteurs n'a pas été reconduit dans sa fonction parce qu'un ouvrage qu'il a écrit a été jugé "déloyal à l'égard du ministre", et lui-même a été comparé par de Robien à "un moniteur d'auto-école chauffard". Pourtant, les textes officiels disent clairement qu'il faut utiliser "deux types d'approches complémentaires, l'analyse de mots entiers et la synthèse à partir de leurs constituants", ce qui n'exclut aucune des méthodes.
Cela n'a pas empêché l'ancien agent général d'assurances de Robien (qui s'est promu entre-temps spécialiste de l'apprentissage de la lecture) de rappeler mardi 10 octobre sur France-Inter qu'il fallait "commencer par des lettres et des sons". Et pour preuve de ses compétences dans ce domaine, il dit se baser sur des "fondements scientifiques" qui montreraient, selon lui, "que le cerveau est fait pour apprendre par éléments"!
Sans entrer dans le débat entre méthode globale ou méthode syllabique, rappelons cependant qu'il y a bien une trentaine d'années que la première a été abandonnée et que, "bien évidemment, dès le premier jour du CP, on apprend aux enfants le déchiffrage", comme le rappelle le principal syndicat d'enseignants du primaire, le Snuipp. Manifestement, le ministre de Robien ne semble pas très au courant de ce qui se pratique au quotidien dans les écoles primaires. Il ne prend pas non plus en compte le fait que l'apprentissage de la lecture est un phénomène bien plus complexe que l'application à la lettre d'une méthode miracle: sinon, comment expliquer que dans une même classe, sous la conduite d'un même enseignant, certains enfants apprennent vite à lire tandis que d'autres ont des difficultés? Comment expliquer qu'il y a moins d'illettrés dans les quartiers aisés que dans les cités de banlieue?
La méthode de Robien, elle, est simple, et même simpliste: elle consiste à spéculer sur les préjugés qui affirment, à tort, que dans le temps chacun savait lire et écrire, et à dresser un écran de fumée pour cacher le manque de moyens dont disposent les enseignants. Présenter la méthode syllabique comme la panacée et rendre responsables de l'échec scolaire les enseignants qui ne l'appliqueraient pas évite au ministre de répondre aux vrais problèmes - le manque de moyens - qui freinent l'apprentissage de la lecture.