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Dans le monde
Géorgie : La Russie tente de reprendre la main.
Les images des quatre espions russes enchaînés, réexpédiés manu militari de Géorgie vers la Russie; celles, russes cette fois, de centaines de Géorgiens expulsés au même moment de Russie par avion, ont témoigné, à nouveau, de la lutte d'influence qui oppose les puissances occidentales à la Russie, par voisins interposés dans l'ex-Union soviétique.
Les États-Unis et l'Union européenne ont beau avoir décerné le titre de "partenaire stratégique" à la Russie, cela n'empêche pas les puissances occidentales de pousser leurs pions partout où elles le peuvent dans les ex-républiques soviétiques.
On l'a vu en 2003 en Géorgie, lors de la "révolution de la rose", quand le président Chévarnadzé, un ancien membre du Bureau politique soviétique du temps de Brejnev et Gorbatchev, dut céder la place à une nouvelle génération de dirigeants tournés vers l'Occident.
Cela a aussitôt réactivé le bras de fer qui oppose périodiquement les bureaucrates géorgiens à leurs homologues russes depuis la fin de l'URSS. On a vu Moscou accuser la Géorgie d'aider les "terroristes" de Tchétchénie tandis que s'installait une base militaire américaine près de Tbilissi. La Géorgie ayant demandé à Moscou d'évacuer ses propres bases du pays, le Kremlin souffla alors sur les braises du séparatisme en Abkhazie et Ossétie du Sud, deux régions de Géorgie qui ont rompu avec Tbilissi depuis quinze ans.
Fin 2004, une "révolution orange", rappelant celle de "la rose", se produisit en Ukraine. Là, il ne s'agissait plus d'un petit pays coincé entre la Russie et la Turquie, et encore très agricole comme la Géorgie. L'Ukraine est un pays doté d'une économie puissante, lié à la Russie par son peuplement, sa langue et une longue histoire commune. L'Ukraine ayant une frontière commune avec l'Union européenne, son rapprochement politique avec l'Occident annonçait des conséquences bien plus graves pour la Russie.
Cet été, des changements au sein du gouvernement ukrainien ont ramené aux affaires une équipe dominée, non plus par les bureaucrates pro-occidentaux, mais par ceux avec lesquels Moscou à l'habitude de traiter. Cela a éloigné, un temps au moins, la perspective d'un rétrécissement de la zone d'influence à l'ouest du Kremlin. Du coup, celui-ci a cherché à reprendre la main en Géorgie.
D'où cette nouvelle escalade avec, comme dans d'autres ex-républiques soviétiques, un brutal renchérissement du gaz russe fourni à la Géorgie. Puis, il y a eu la "découverte" par Moscou que les eaux minérales et vins de Géorgie (principaux produits d'exportation vers la Russie) ne répondraient plus aux standards sanitaires. Sur ces entrefaites, l'arrestation d'officiers-espions russes en Géorgie a servi de prétexte au Kremlin pour lancer une campagne contre les "minorités ethniques caucasiennes" qui contrôleraient le commerce de détail en Russie.
Étaient ainsi désignés à la vindicte publique les Géorgiens, les Tchétchènes, et plus généralement les ressortissants des différents peuples du Caucase qui sont de plus en plus souvent victimes d'agressions et de meurtres racistes. Puis, les autorités russes ont fermé les liens ferroviaires, aériens et postaux avec la Géorgie. Cela interdit aux Géorgiens, nombreux à travailler en Russie, d'envoyer de l'argent au pays, alors qu'une grande partie de la population y survit au bord de la misère.
Les dirigeants géorgiens ne sont certes pas étrangers à la situation de leur population. Mais en choisissant de l'aggraver, en attisant les feux de la haine raciale, en voulant forcer la Géorgie à rester dans le giron de Moscou, les dirigeants russes ne peuvent que rejeter un peu plus les peuples du Caucase dans les bras de dirigeants pro-occidentaux. Et en dressant les uns contre les autres les peuples de l'ex-URSS, leur politique y prépare des conflits dont les conséquences pourraient être encore plus terribles que celles de la guerre en Tchétchénie.