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Dans les entreprises
Airbus : C'est aux actionnaires de payer!
Soutenu par Louis Gallois, co-président d'EADS, Christian Streiff, un temps président d'Airbus, avait annoncé un nouveau programme d'économies.Après sa démission et la nomination de Louis Gallois à la tête d'Airbus, ce programme reste toujours d'actualité: réduction des coûts de fonctionnement de 30%, réduction à deux ans du délai de développement des nouveaux avions, réduction d'effectifs, réorganisations de la production pouvant aller jusqu'à des délocalisations, révisions des relations avec les sous-traitants. L'objectif est d'augmenter la productivité de 20%. Autant dire que ce plan va se traduire par des attaques en règle contre l'emploi et les conditions de travail des salariés d'Airbus comme de la sous-traitance, aussi bien en France qu'en Allemagne, comme d'ailleurs en Grande-Bretagne et en Espagne.
Ce nouveau plan serait justifié par les retards du programme A380, par le besoin de liquidités pour lancer l'A350XWB, un long courrier censé concurrencer le Boeing 787. Quant à l'avion militaire A400M, dont le premier vol est prévu début 2008, il accuserait aussi un retard important.
Mais dans cette "guerre" que se livrent les deux grands avionneurs, c'est à la classe ouvrière que l'on demande tous les sacrifices. Les ouvriers, techniciens, ingénieurs travaillant sur les sites Airbus ou dans la sous-traitance subissent depuis des années des pressions pour des économies, des compressions de délais, des objectifs de productivité, pour permettre finalement aux actionnaires d'EADS de s'en tirer le mieux possible face à Boeing. Dans ce climat, les différentes équipes en France, en Allemagne et ailleurs sont invitées par leurs dirigeants respectifs à se surpasser, à faire mieux et plus vite, quitte à enjoliver les bilans ou à cacher les difficultés.
Cette émulation interne se double d'une vraie concurrence, essentiellement entre les équipes dirigeantes françaises et allemandes, c'est-à-dire entre Lagardère et l'État français d'une part, et Daimler Chrysler d'autre part, auxquelles s'agrègent un nombre important d'équipementiers et de sous-traitants, des centaines d'entreprises en fait, avec leurs profiteurs petits et grands. Et ainsi, lorsque la rumeur envisage de rapatrier en France toute l'activité A380 réalisée en Allemagne, ou de délocaliser l'A320 vers l'Allemagne, ce sont des centaines de capitalistes petits et grands qui craignent pour leurs parts de marché ou qui se frottent les mains en espérant au contraire un surcroît de commandes.
La direction bicéphale du groupe EADS correspond à cet équilibre entre capitalistes français et allemands. Et si Christian Streiff a démissionné trois mois après sa nomination, ce n'est pas parce qu'on lui reprochait son plan d'économies, mais parce que celui-ci visait à chambouler trop rapidement ce fragile équilibre. C'est du moins ce qu'il semble signifier dans un courrier adressé à l'ensemble du personnel: "Je quitte la société car je pense que la position de CEO d'Airbus (le PDG), dans la structure de gouvernance actuelle, ne dispose pas de la délégation suffisante pour permettre à Airbus de sortir de la crise."
La guerre avec Boeing, la distribution des marchés aux équipementiers et à la sous-traitance, comme les querelles de pouvoir dans les sommets franco-allemands d'Airbus, voilà les raisons profondes de la crise actuelle. Les retards touchant l'A380, le "fleuron de l'aéronautique européenne", bien réels, arrivent à point nommé pour justifier un nouveau plan d'économies.
Voilà cette société de dingues, où les profits d'une poignée d'actionnaires dictent la vie de centaines de milliers de travailleurs, cette société de dingues où la guerre que se livrent les capitalistes ne fait de victimes que dans les rangs des travailleurs.
Airbus dépasse les 10% de taux de profit et représente 65% des bénéfices de la maison mère EADS, qui a dégagé sur les six premiers mois de cette année 1,04 milliard d'euros de bénéfice, en progression par rapport à la même période en 2005. Et surtout, il y a les actionnaires majoritaires que sont Lagardère et Daimler Chrysler qui, depuis toutes ces années, ont engrangé des centaines de millions d'euros, sur le dos des salariés.
Les travailleurs ont déjà suffisamment donné. Que les gros actionnaires paient et assument les conséquences de leurs décisions économiques.