Une réflexion «sociale» de Ségolène Royal06/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1988.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Une réflexion «sociale» de Ségolène Royal

«L'obligation d'adhérer à un syndicat» pour... «réconcilier les Français avec les entreprises»

Le 3 septembre, en déplacement à Florac, la candidate à la candidature du PS pour les présidentielles, Ségolène Royal, a tenu à donner quelques précisions sur sa pensée «sociale», ce qui devrait, selon elle, équilibrer à gauche ses discours qui par moment semblent plus se placer sur le terrain de Sarkozy. Ainsi elle a annoncé qu'elle réfléchissait à «l'obligation d'adhérer à un syndicat» pour les salariés.

Mais que vise donc Ségolène Royal avec cette «réflexion» surprise? À battre en brèche l'arbitraire patronal subi par une majorité de salariés dans le pays, qui se voient menacés de diverses représailles par leur patron s'ils s'engagent dans le syndicat? Cela allant de la mise au placard, au blocage de leur salaire et des promotions, jusqu'au harcèlement et au licenciement. Non ce n'est pas l'arbitraire patronal qui est visé, car les patrons à qui l'existence de syndicats donne des boutons peuvent recourir (éventuellement en même temps) à deux systèmes: multiplier les entraves à l'exercice des libertés syndicales, et favoriser l'existence de «syndicats-maison» qui leur soient dévoués. Et il est évident que la syndicalisation obligatoire souhaitée par Ségolène Royal n'empêcherait aucune de ces pratiques.

Ce que veut Ségolène Royal, comme elle l'avait déjà déclaré la semaine précédente, c'est sortir la France «de l'archaïsme de ses relations sociales», et c'est pour cela qu'elle souhaite «un syndicalisme de masse», ce qui, selon elle, permettrait d'avoir entre patrons et syndicats «une capacité collective d'anticipation et d'accompagnement des mutations économiques». En plus clair, de conclure plus facilement des accords prévoyant des suppressions d'emplois ou des licenciements. C'est ce qu'elle appelle «une république du respect, où les Français seraient réconciliés avec les entreprises».

En fait, les préoccupations de Ségolène Royal sont exactement les mêmes que celles de Chirac-Villepin-Sarkozy-Borloo, qui tous, à travers leurs actes, leurs textes, leurs discussions et leurs projets, voudraient avoir un syndicalisme encore plus complaisant qu'il n'a pu l'être jusqu'à aujourd'hui, pour collaborer sans réticence aux attaques contre les travailleurs, main dans la main avec le gouvernement en place, au bénéfice des patrons. Le «syndicalisme de masse» rêvé par Ségolène Royal, avec l'adhésion obligatoire, c'est-à-dire la cotisation obligatoire, ce serait rendre les syndicats encore plus indépendants de leur base, et c'est peu dire qu'ils le sont déjà bien assez.

Défendre le droit syndical, ce serait possible et tout de suite. Cela commencerait par garantir le droit effectif pour chaque salarié d'adhérer au syndicat de son choix, le droit de se présenter comme délégué sans risquer d'être licencié, le droit de se réunir sur son lieu de travail et de débattre collectivement de son avenir et des mauvais coups patronaux, le droit de rendre public tout ce qu'il peut connaître sur les pratiques des patrons et leurs plans à venir, alors qu'aujourd'hui le patron peut exiger des délégués au CE qu'ils gardent le secret sur le peu de choses qu'ils ont pu y apprendre. Pour être sérieux, cela devrait se faire à l'aide de mesures contraignantes contre les patrons récalcitrants. C'est bien pourquoi Ségolène Royal n'est pas prête, ni aujourd'hui ni demain, à aller dans cette direction.

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