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Mexique : La population de Oaxaca en révolte
Oaxaca, capitale de l'État du même nom, est une ville du Mexique, à 550 kilomètres au sud de la capitale et qui compte plus de 250000 habitants. C'est aussi, avec le Guerrero et le Chiapas, l'un des trois États les plus pauvres du Mexique. Depuis trois mois la ville de Oaxaca est littéralement occupée par la population.
Des milliers de manifestants bloquent la ville, occupant plusieurs stations de radio, défendant avec bâtons et machettes leurs «plantons» contre les «convois de la mort» (des policiers en civil «encagoulés» aux ordres du gouverneur) qui ont déjà fait plusieurs victimes, à l'occasion d'attaques armées.
À l'origine de cette situation, il y a la grève massive des 70000 enseignants de cet État, démarrée le 22 mai dernier, pour réclamer l'augmentation de leurs salaires et aussi de meilleures conditions matérielles pour les élèves: goûter, habits, et des chaussures pour tous.
Le 14 juin, au petit matin, la police de l'État est intervenue de manière extrêmement violente. Les campements mis en place par les grévistes au centre de la ville ont été ravagés et brûlés. Un hélicoptère «civil» lançait des grenades lacrymogènes sur les manifestants. Le gouvernement de l'État affirme qu'il n'y a pas eu de morts. Mais les dirigeants enseignants parlent de plusieurs tués en exhibant les douilles des balles tirées par les policiers.
Dans la matinée, de nombreux habitants de la ville sont venus sur la place et se sont alliés aux enseignants. Ensemble, équipés de barres, de pierres, ils ont repoussé les policiers et ont réinvesti la place. Il n'y a plus eu pour l'instant d'autres tentatives officielles de la police. La presse d'opposition dit qu'à partir du mois d'août sont apparus les «convois de la mort», formés de policiers en civil ou de tueurs, qui auraient assassiné des militants.
La revendication qui fait l'unanimité est la démission d'Ulyses Ruiz, le gouverneur de l'État qui avait donné l'ordre d'évacuation de la place. Après le 14 juin, les manifestations pour réclamer cette démission sont devenues de plus en plus importantes. De son côté, Amnesty International dénonce: «Depuis le 10 août, deux personnes ont été tuées et de nombreuses autres ont été blessées. Au moins sept personnes sont actuellement détenues et sept auraient été torturées ou auraient subi de mauvais traitements. Selon les informations reçues par Amnesty International, de nombreux éléments laissent à penser que des atteintes aux droits humains ont été commises par des milices armées opérant dans l'État d'Oaxaca en lien avec les forces de sécurité de cet État. (...) Le 10 août, Ramiro Aragón Pérez, biologiste, a été interpellé avec deux autres militants et frappé par des individus non identifiés se déplaçant à bord d'un véhicule sans plaque d'immatriculation. Les trois hommes auraient été ensuite emmenés dans un lieu secret où ils ont été torturés avant d'être remis au bureau du procureur général d'Oaxaca. Ramiro est toujours en détention et risque à tout moment d'être torturé.»
Pour la rentrée prévue le 21 août, se posait le problème de la reconduction totale ou tournante de la grève des enseignants. À une très large majorité, les différentes assemblées d'enseignants décidaient de la poursuite totale de la grève. Ce lundi 21 août, des petits groupes de quelques dizaines de personnes s'emparaient des stations de radio-télé de la ville et établissaient des barricades sur tous les accès de la vieille ville.
Amnesty International relevait alors de nouveaux assassinats de civils: «Le 22 août, Lorenzo San Pablo, l'un des piquets de grève d'une station radio, a été atteint d'une balle dans le dos tirée par des individus non identifiés qui accompagnaient un convoi de la police, selon des témoins. Il est mort quelques heures plus tard» (....). «Les milices illégales d'Oaxaca aident au «sale travail» des forces de sécurité. Une enquête doit être ouverte sur ces pratiques, de toute urgence, il faut désarmer les milices et les dissoudre et poursuivre en justice les auteurs présumés d'atteintes aux droits humains», a déclaré Javier Zuñiga, directeur du programme Amériques d'Amnesty International».
La population de Oaxaca est donc confrontée à cette situation. Jusqu'à présent, ces attaques sauvages n'ont pas entamé la détermination des grévistes. Mais l'issue du mouvement est aussi conditionnée par les problèmes qui se posent à l'échelle de toute la population, avec la contestation de l'élection présidentielle.